Les chenilles spongieuses ont complètement disparu au Québec : voici pourquoi

L’année dernière, les forêts du sud du Québec et de l’Ontario ainsi que d’une grande partie de la Nouvelle-Angleterre ont étrangement perdu leurs feuilles. L’air bourdonnait au son des mandibules qui mastiquaient le bois et les troncs d’arbres étaient couverts d’un tapis mouvant de chenilles, dont les excréments tombaient doucement sur les têtes des marcheurs et des campeurs insouciants.




Read more:
Des chenilles affamées ont un impact sur la qualité des lacs et les émissions de carbone


La population de spongieuses européennes, qui enregistrait une hausse graduelle depuis 2019, a connu un pic spectaculaire en 2021, avant de complètement disparaître cette année.

En 2020, la chenille affamée a endommagé près de 583 157 hectares de forêts en Ontario, et ce nombre est voué à augmenter avec le dévoilement des chiffres de 2021.

Les infestations d’insectes sont une des perturbations naturelles les plus importantes dans les forêts canadiennes. En tant que biologiste travaillant depuis plus de 20 ans sur les interactions entre les plantes et les insectes, je constate que la fréquence, l’intensité et l’étendue des infestations ne cessent d’évoluer. La protection des arbres dans les forêts et les villes passe plus que jamais par la diversité arboricole.

Infestations d’insectes

Une infestation d’insectes peut être effrayante. Dans les déserts des quatre coins du monde, d’énormes nuages de criquets peuvent cacher le soleil pendant des heures. Dans les montagnes Rocheuses, les versants sont couverts d’arbres morts, tués par le [dendoctrone du pin], qui creuse des galeries sous leur écorce.

Arbres dont les feuilles ont été mangées

Arbres dont les feuilles ont été mangées par des spongieuses sur le mont Royal, à Montréal, le 7 juillet 2021. Les infestations d’insectes stimulent le cycle des substances nutritives, accélèrent la succession forestière et peuvent renouveler les forêts.
LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson

Les infestations d’insectes n’ont cependant rien d’un nouveau phénomène. Des données historiques chinoises rendent compte d’infestations de criquets depuis près de 2 000 ans, tandis que des études paléoécologiques démontrent que les forêts boréales du Québec ont été témoins d’infestations de tordeuses des bourgeons de l’épinette depuis au moins 8 000 ans.

De telles infestations sont inhérentes à la façon dont les forêts tempérées et boréales – ainsi que les prairies et les déserts semi-arides – fonctionnent. Elles stimulent le cycle des substances nutritives, accélèrent la succession forestière et peuvent renouveler les forêts.

Une spongieuse qui pond

Les insectes femelles peuvent produire des centaines de progénitures et il suffit que deux d’entre elles survivent pour stabiliser leur population.
(AP Photo/Bob Child)

Les insectes femelles peuvent produire des centaines de progénitures et il suffit que deux d’entre elles survivent pour stabiliser leur population. Une légère hausse de la survie, attribuable à des facteurs comme des conditions climatiques favorables, peut mener à une explosion de la population et à une infestation.

Dans le cas du dendoctrone du pin et du criquet pèlerin, la hausse des températures, l’augmentation de l’activité cyclonique et d’autres effets semblables du réchauffement climatique font que ces conditions favorables sont plus souvent rassemblées dans de nouvelles régions, ce qui entraîne une hausse considérable de l’ampleur des infestations.

Cependant, ces infestations prennent toujours fin en raison de ce que les écologistes appelent la régulation de population desité-dépendante avec délai. Ici, « densité-dépendante » signifie que le taux de mortalité des insectes dépend de la taille de la population. À mesure que la population augmente, la mortalité augmente également et le taux de survie diminue. Par ailleurs, « avec délai » signifie qu’il y a un retard dans ce processus ; la mortalité de l’insecte augmente plus lentement que la population ne croît, ce qui entraîne une infestation.

L’infestation cesse lorsque la mortalité de l’insecte finit par rattraper sa densité de population. C’est généralement attribuable à un ensemble de facteurs, comme un manque de…

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Emma Despland, Professor, Biology Department, Concordia University