Les Damnées de la mer. Femmes et frontières en Méditerranée

Camille Schmoll est géographe et elle travaille avec des équipes de recherches sur les migrations au sein d’institutions académiques et du Groupe international d’experts sur les migrations (GIEM) dont elle est cofondatrice. Dans son annexe méthodologique intitulée « L’ethnographie au temps de la frontière », elle dit d’abord qu’elle a commencé le travail de terrain qui a abouti à ce livre en 2010 et qu’elle l’a interrompu en 2018. « Durant cette enquête au long cours, dit-elle, qui peut être vue comme une enquête “dans” et “sur” la frontière, j’ai articulé trois stratégies de recherche : des observations de “lieux-frontières”, le recueil des récits de trajectoires, des suivis de femmes migrantes. »

Une enquête « dans » et « sur » la frontière : en effet , il ressort de la condition des femmes en déplacement, essentiellement depuis l’Afrique, qu’elle a rencontrées en Italie et à Malte principalement, que les frontières ne sont pas seulement ces lignes pointillées que l’on nous apprend à l’école à considérer comme telles – de simple limites plus ou moins barricadées que l’on pourrait, ou pas, franchir d’un seul bond, tel Remus sautant par-dessus le sillon creusé par son frère Romulus autour de la future cité de Rome (on sait d’ailleurs le sort de Remus, assassiné par Romulus furieux que l’on n’ose point prendre au sérieux son fantasme de confinement, sort emblématique de celui réservé de tout temps aux nomades et autres personnes « déplacées »). Non, les frontières sont épaisses, plus que cela, elles sont profondes : en l’occurrence, depuis l’Afrique subsaharienne et l’Afrique de l’Est jusqu’aux rivages européens de Mare nostrum (comme la nommaient, bien sûr, les héritiers des fils de la louve, mais aussi nom donné par les autorités italiennes à une opération de sauvetage en mer lancée en 2013 suite à deux naufrages au large…

Auteur: lundimatin
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