Les dangers de la cryptographie non maîtrisée

Un spectre hante le petit monde des économistes : les pseudonymes utilisés de 2013 à 2023 pour envoyer des messages sur le forum Economics Job Market Rumors (EJMR), dont le site prétendait qu’ils étaient totalement sûrs et garantissaient de pas de remonter aux auteurs et autrices des messages, permettent en réalité d’identifier de quelle adresse Internet ces messages ont été postés. Un récent article (Anonymity and identity online, par les chercheurs Florian Ederer, Paul Goldsmith-Pinkham et Kyle Jensen) donne le procédé suivi pour cela. Cet article met en lumière de graves erreurs d’utilisation de la cryptographie par le gestionnaire du site.

Pour comprendre ce qui s’est passé, considérons tout d’abord le chiffrement le plus simple, par substitution de lettres : on remplace chaque lettre de l’alphabet par une autre, ou par un symbole, et la clef secrète est la table de ces substitutions. Quiconque a lu Sherlock Holmes (Les Hommes Dansants) sait que l’on peut attaquer un tel chiffrement en repérant que le E est la lettre la plus fréquente, puis en faisant des inférences par rapport aux mots rencontrés.

De fait, si pour chiffrer un message on applique toujours exactement le même chiffrement, on a une vulnérabilité : si on utilise toujours le même message chiffré pour le texte en clair OUI et toujours le même message chiffré pour le texte en clair NON, une personne espionnant la conversation a vite fait d’identifier ces réponses. Aussi, quand on chiffre un message, on va habituellement le faire précéder de données tirées au hasard, de sorte que le message chiffré dépendra de ces données et qu’on obtiendra deux messages chiffrés différents en chiffrant OUI deux fois ; on jettera ces données au moment du déchiffrement.

Hachage cryptographique

Dans le procédé qui était utilisé par le site EJMR, l’adresse IP de l’utilisateur (une adresse formée de nombres qui lui est attribuée par son…

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Auteur: David Monniaux, Chercheur en informatique, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Université Grenoble Alpes (UGA)