Les dix commandements du parfait militant selon Mike Davis

Maîtrisez-vous l’impression de tracts à la Ronéo ? Seriez-vous prêt, en tant que leader d’un mouvement, à vous laisser destituer ? Quels sont les piliers d’une lutte correctement organisée ? Slavoj Žižek cohabite-t-il avec Roosevelt sur votre table de chevet ?… Les conseils de Mike Davis aux militant·es de tout poil.

Ce texte a été publié dans la Revue des livres (numéro 3, janvier-février 2012).

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Récemment, au Canada, une amie m’a demandé si le mouvement « Occupy Wall Street » pouvait tirer une quelconque leçon des mouvements de protestations des années 1960. Je lui ai répondu que l’un des rares souvenirs à peu près clairs que j’en avais conservé – c’était il y a plus de quarante-cinq ans –, était justement d’avoir fait le vœu de ne jamais, jamais, devenir un vieux schnock avec des leçons à transmettre.

Mais elle a insisté, et sa question a fini par éveiller ma propre curiosité. Qu’est-ce que, en fin de compte, je pouvais retenir d’une vie entière passée à me frotter à l’activisme ?

Bon, sans équivoque, je suis devenu un spécialiste, capable d’extirper mille tracts d’une Ronéo à la santé fragile, jusqu’à ce qu’elle se désintègre.

(J’ai promis à mes enfants de les emmener l’un de ces jours au Smithsonian admirer ces engins du diable qui ont tant apporté au mouvement pour les droits civiques et aux mouvements anti-guerre).  Sinon, je me souviens surtout d’un certain nombre d’injonctions que m’avaient faites mes camarades plus âgés et plus expérimentés, et que j’avais mémo- risées comme mes Dix Commandements personnels (comme ceux que l’on peut trouver dans un livre de diététique ou dans certains tracts bien tournés).

Les voici, pour ce que ça vaut :

Tout d’abord, l’impératif catégorique, c’est l’organisation ; ou plutôt, faciliter l’auto-organisation des autres individus. Catalyser, c’est bien, mais organiser, c’est mieux.

Deuxièmement, les dirigeants du mouvement doivent être temporaires et toujours susceptibles d’être destitués. Le boulot d’un bon organisateur, comme on le disait souvent à l’époque du mouvement pour des droits civiques, c’est d’organiser son retrait, et de se débrouiller pour ne jamais devenir indispensable.

Troisièmement, les manifestants doivent subvertir la tendance permanente des médias à la métonymie, c’est-à-dire à la désignation du tout par l’une de ses parties, d’un groupe par l’un de ses individus. (Par exemple, n’est-il pas étrange que nous commémorions un «…

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Auteur: redaction