Les « dropshippers », ces entrepreneurs atypiques et peu qualifiés qui achètent et vendent en ligne

« Je tapais des trucs sur Internet comme “comment gagner de l’argent ?” et c’est là que j’ai découvert le dropshipping. »

Quelques recherches en ligne ont amené Anthony* et bien d’autres à découvrir ce segment particulier de l’e-commerce. Selon la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le « dropshipping » – ou livraison directe – renvoie à une activité de :

« Vente sur Internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit. »

À l’instar de certains amateurs et autodidactes parvenus à intégrer des activités jusqu’alors réservées aux professionnels, Anthony et les autres entrepreneurs rencontrés exercent leurs activités à l’échelle du globe sans supporter les coûts traditionnels y afférant. Ils vendent des cosmétiques, vêtements, accessoires ou encore de petits appareils électroniques qu’ils ont identifiés le plus souvent sur le site chinois Aliexpress et ce, sans gérer les stocks, les commandes et les envois.

Comment est-ce possible ? Grâce au modèle et aux ressources technologiques de plates-formes numériques dites « allégées », par exemple Shopify, qui permet de disposer d’un magasin en ligne sans connaître les secrets du code informatique.

À portée de clic, la digitalisation du commerce charrie avec elle les promesses d’une autonomie financière pour de nouveaux entrepreneurs, amplifiées par le récit de dropshippers établis passés, comme Yomi Denzel, « d’étudiants fauchés à millionnaires en moins d’un an ».

Mais qu’en est-il de la réalité ? Le dropshipping permet-il réellement de gagner de l’argent sans effort, avec un capital de départ modeste et sans compétence particulière ? Pour répondre à ces questions, nous mobilisons les résultats d’une enquête par entretiens, menée pendant deux ans auprès de « dropshippers » âgés de 20 à 30 ans basés en Seine-et-Marne ou en Seine-Saint-Denis.

Argent facile ?

Il ressort d’abord de notre étude que tous nos enquêtés sont passés par la case « formation ». Généralement, après quelques recherches sur le web, la participation à des webinaires gratuits, les apprentis dropshippers achètent, pour 1 500 euros environ, l’une des formations disponibles en ligne. Proposées par des influenceurs en la matière tels que Yomi Denzel ou Adnoune, elles attirent nos enquêtés via la mise en scène de la propre réussite économique de leurs auteurs.

Face au coût, certains se cotisent à plusieurs pour partager un accès, l’un a récupéré identifiant et mot de passe valide sur un forum, les autres annoncent avoir bénéficié de réduction.

« Comment j’ai transformé 100 euros en 45 000 euros à 18 ans » (Yomi Denzel, 2022).

Mais se former n’est pas suffisant pour se lancer, encore faut-il « observer le marché ». Des heures sont ainsi consacrées à l’analyse des boutiques en ligne déjà existantes, des produits qui y sont proposés, des façons de les présenter et des prix pratiqués.

Oscillant entre recherche d’imitation ou de distinction, puisant dans leurs expériences passées, les jeunes entrepreneurs tâtonnent. En voyage à Bali, Nader repère des sacs en rotin. De retour en France, il cherche un produit équivalent sur Aliexpress. La fréquentation de groupes de discussion sur la messagerie Discord permet à certains d’entre eux d’obtenir des conseils : comment choisir les produits, comment « éviter » les impôts, où s’établir (Malte est l’une des destinations prisées par les influenceurs dropshippers), comment déléguer à moindre coût la gestion de ses boutiques, etc.

Influenceurs ou pas ?

Il faut ensuite penser au site Internet, et la plate-forme Shopify est pour cela tout indiquée. Nos enquêtés y présentent leurs produits, l’interface permet de gérer les commandes et les paiements. Il reste aux dropshippers à insérer de belles photos, de mettre en place une esthétique jugée cohérente et déterminer les prix de vente.

Enfin, il est un point qui questionne les dropshippers : celui de la mise en valeur de leurs boutiques permettant aux internautes de les trouver. Faut-il ou non passer par les influenceurs ? Telle est la question. Et le cas échéant, lequel…

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Auteur: Hélène Ducourant, Sociologue, Laboratoire Territoires Techniques et Sociétés, CNRS, Ecole des ponts, Université Gustave Eiffel