Maroun Eddé a enquêté plusieurs années durant dans les coulisses du pouvoir et de l’administration pour produire le bilan global des réformes successives de l’État. Il en a résulté un ouvrage accablant pour les décideurs politiques français, dont les mauvais choix, ces dernières décennies, ont conduit au dérapage des finances publiques et au démantèlement de l’État lui-même. En plein débat sur le vote du budget 2025, l’essayiste rappelle que les coupes budgétaires dogmatiques n’ont jamais résolu la question des déficits, encore moins celle de l’efficacité de l’action publique.
Propos recueillis par Ella Micheletti et Pierre-Henri Paulet.
Voix de l’Hexagone : Vous vous êtes intéressé en profondeur au fonctionnement de l’État, à son budget, à son périmètre d’action, à son histoire aussi. Il en a résulté un essai particulièrement percutant, La Destruction de l’État paru en octobre 2023 (Éd. Bouquins). Qu’est-ce qui vous a conduit à ces recherches et comment les avez-vous menées ?
Maroun Eddé : Ma démarche a commencé avec la prise de conscience qu’il n’y a pas eu véritablement de bilan global portant sur les différents « slogans » imposés depuis vingt ou trente ans au sujet de l’État. Depuis une trentaine d’années, il existe une forme de consensus sur le fait qu’il est nécessaire de privatiser, externaliser, soumettre les services publics à des impératifs de rentabilité, aller plus loin dans la libéralisation européenne, et supprimer des postes de fonctionnaires pour réduire les dépenses publiques. Le consensus s’est forgé autour de ces éléments-là qui, initialement, étaient issus d’une certaine idéologie et qui sont devenus de purs slogans. La première chose qui m’a marqué a été d’observer des résultats absolument contraires à ceux qui avaient été promis depuis les années 1990. On nous promettait que ces « réformes » allaient…
Auteur: Ella Micheletti