Les « experts » médiatiques, spécialistes en généralités

Cet article est tiré du n°9 de Délibérée, la revue du Syndicat de la magistrature, paru en mars 2020. Ce numéro spécial « Justice & Médias : cuisines et dépendances » a été élaboré en partenariat avec Acrimed. Cet extrait revient sur l’une des quatre expressions étudiées dans la rubrique « Des mots médiatiques qui parlent de la justice » (pp. 28-34).

Les experts, spécialistes en généralités

Dans les médias, les « experts » ont une place à part : toujours disponibles pour s’exprimer sur n’importe quel sujet, dans n’importe quelles conditions et à n’importe quel moment du jour et de la nuit, ils exercent une activité continue de pseudo-analyse. Gilles Deleuze et Pierre Bourdieu ont, chacun à leur façon, décrit ces penseurs à grande vitesse (fast-thinkers) qui, du philosophe spécialisé en opinions sur tout à l’expert généraliste en opinions sur le reste, sont constamment branchés sur l’appareil médiatique [1].

Les experts médiatiques convoqués pour commenter les affaires de justice, les faits-divers ou les attentats terroristes n’y dérogent pas. Dans les 24 heures ayant suivi l’attentat de Barcelone, en août 2017, une ribambelle d’« experts » ont ainsi défilé sur les plateaux [2], incontournables « consultants » ou « spécialistes » au statut souvent flou, affublés de titres toujours ronflants, souvent obscurs, parfois changeants.

Une présence encore renforcée par les chaînes d’information en continu, qui se doivent de meubler un temps d’antenne considérable – en raison du passage en « édition spéciale ». Au cours des fameuses éditions spéciales post-attentat, les exemples sont légion d’un même individu circulant de chaîne d’info continue en édition spéciale à la radio en passant par les JT, qui peut être tour à tour présenté comme « expert en questions de terrorisme », « spécialiste du terrorisme », « expert en terrorisme » et « expert en contre-terrorisme ».

Qu’importe si ledit expert n’a rien à dire dans les premières heures suivant l’attentat, se contentant de formuler d’hypothétiques hypothèses [3]. Qu’importe non plus si les « observatoires », « instituts » ou « centres de recherche » dont…

Auteur : Acrimed
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