Révélation à l’intention des lecteurs (et des rédactrices) de lundimatin qui, en raison de leur jeune âge (moins de 70 ans), négligent la fiction au profit exclusif des théorisations ultragauches deleuzo-spinoziennes, ou quand elles et ils condescendent à lire des romans, se cantonnent aux récits dystopiques : la vie est un polar, et le plus souvent un mauvais polar.
Ainsi, pour décrypter ce qui s’est passé récemment en direct à la télé depuis la Maison Blanche, le recours aux codes de la pulp fiction aurait évité aux commentateurs de mettre les lunettes d’une soi-disant objectivité en parlant d’ « humiliation » de Zelensky par le capo dei capi et son lieutenant, alors qu’il s’agissait bel et bien de la scène typique où le protagoniste fait acte de résistance face à la tentative d’intimidation des racketteurs – et peu importe que le résistant finisse ou non au fond du port les pieds dans le béton, ou qu’il l’emporte à la fin : l’éthique du roman noir indique clairement où se trouvent le courage et la dignité.
Le mauvais polar de la vie
Parce que la vie est un mauvais polar, les bons polars fournissent d’excellentes munitions contre le capitalisme tardif. Les bons polars, en effet, défont les stéréotypes de leur genre littéraire en même temps que ceux de la vie (et les stéréotypes sont toujours du côté du pouvoir). Démonstration avec quelques titres à paraître ou récemment parus.
« Odile loue une voiture à Roissy, arrive à Frise en fin d’après-midi, après une route pénible, interrompue à de multiples reprises par des barrages de divers mécontents ou des contrôles de police. Le visage ensanglanté d’un agriculteur productiviste s’écrase à un moment sur la vitre avant que celui-ci ne soit happé par un CRS. Elle sursaute. Elle est vaguement contrariée par les traces rouges gorgées de pesticides qu’elle ne peut pas essuyer ». Une manifestation d’agriculteurs…
Auteur: dev