Les feux de la nuit — Emmanuel du MORNE

Occident ! Pourquoi cette appellation ? L’empire de Charles Quint ne voyait point le soleil se coucher, selon la rhétorique. Sans jouer les rabats joie, un esprit taquin penserait au mot occire. Une civilisation qui naît après les voyages de Colomb et d’Amerigo Vespucci en se prolongeant par le saccage de l’humanité ? Bon, n’évoquons point de détail afin d’éviter toute posture victimaire ravivant le passé et interrompant l’avenir, comme qui dirait. Cependant, le passé se montre têtu et refuse de s’éclipser. Mieux, il se confond au présent et corrompt l’avenir. Les genoux du policier caucasien ne sortaient pas du néant. L’habeas corpus dont bénéficiaient les natifs des treize états initiaux ne se sentait nullement dérangé par la présence d’êtres humains enchaînés dans les plantations de coton. Mais arrêtons de regarder dans le rétroviseur ! Ce n’est point de cette façon que l’Africain d’Amérique gagnera sa place dans ce monde des dieux.

Déboulonner des statues d’esclavagistes ? Ho, pardon ! De civilisateurs, un rien trop, zélés ? Débaptiser des rues, des places, effacer les noms de gens aux mains rouges aux frontons des immeubles ? Voyons ! La faute revient à l’époque qui imposait cet écart, selon le sophisme désormais en vigueur. N’y percevons point malice, nul désir de jouir de l’autre afin de s’éloigner de la pauvreté, de se développer ! Ne pensons surtout pas que pour coloniser, il faut être raciste ! Où êtes-vous allé chercher cela ?

Pas du tout dans les bagages des philosophes des lumières et encore moins dans ceux du pape Nicolas le quatrième, le saint humaniste de la bulle. Non, les biens des sauvages sont les intérêts des nations d’occident. De nos jours, cette conception régit, hélas le monde. Nul n’évoque le rétroviseur à ignorer. On se complaît dans ce miroir du passé pour mieux asservir. Manque de respect envers le reste de l’humanité ou incapacité du démiurge à jouer son rôle ? Cela étant, les lueurs dans la nuit en cette fin de novembre d’ordinaire calme de ce coté de la Caraïbe, réveillent le dormeur. Des crépitements, des pneus s’enflamment, l’asphalte brûle. Les tirs de flash-ball et autres résonnent en couvrant la mélodie des grillons, cabri-bois et grenouilles. Inefficaces, les bêtes à feu se replient vers les sous-bois. Quelque chose se prépare ! Une grève générale s’annonce ! En Martinique, grève générale et insurrection, souvent, se confondent. Comment expliquer la situation dans cette…

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Auteur: Emmanuel du MORNE Le grand soir