Les fumées toxiques, un poison de plus dans l'enfer que vivent les migrants

Île-de-France, reportage

Depuis quelques années, les hivers se suivent et se ressemblent sous les ponts et tunnels du nord-est parisien. Les riverains ont pris l’habitude de croiser, sur le trajet qu’ils empruntent quotidiennement pour se rendre ou rentrer du travail, des tentes bon marché alignées en file indienne, entassées sous les abris précaires que constituent ces infrastructures. À l’intérieur, une majorité d’hommes, seuls, venus de pays pauvres ou en guerre, patientent en attendant des papiers. Depuis le 19e arrondissement de Paris, Maëlys enfourche chaque matin sa trottinette pour se rendre dans la cantine qui l’embauche à quelques kilomètres d’ici, près de la place de la Nation. « Je les vois tous les jours depuis six mois. Ils se sont fait déloger plusieurs fois par la police, mais il y a toujours plus de monde. Alors pour ne pas gâcher nos invendus, j’ai décidé de les leur apporter », confie-t-elle, démunie.

Ça tombe bien, Asrar et ses « amis » afghans, les compagnons d’infortune à côté desquels il a planté sa tente sous un pont du canal de l’Ourq, ont faim. La plupart ont pris l’habitude d’aller dîner au « restaurant », le local des Restos du cœur situé porte de la Villette et prêté à l’association La Chorba, qui y distribue quotidiennement des repas chauds. Mais en attendant le vrai repas, un sandwich au coin du feu est toujours bienvenu. Ici, le bien nommé feu de camp remplace le zinc chaleureux du bistrot.

« Pour ne pas rester tout le temps sous la tente, on fait brûler du bois et on se retrouve autour à plusieurs, pour discuter, oublier un peu », confie Asrar. En Afghanistan, dans la province de Nangarhâr, encore touchée le mois dernier par un attentat meurtrier, il était journaliste. Quand on lui demande de quoi il parle, le soir, près du feu, il reste interdit : « Je ne saurais pas dire, je n’arrive même plus à réfléchir en français. Ma tête n’est pas tranquille, je suis épuisé de vivre comme ça. » Il n’aura pas à faire semblant aujourd’hui : la nuit n’est pas encore tombée que déjà, le bois vient à manquer. Alors que les dernières braises crépitent timidement dans le tapis de cendres, les voix s’estompent, entrecoupées de silences. Ce soir, la nuit est arrivée en avance.

La fumée qui s’échappe des baquets dégage des substances toxiques. © NnoMan Cadoret/Reporterre

Quelques dizaines de mètres plus loin, autre pont, autres tentes. Là encore, c’est auprès du feu que l’on a pris l’habitude de se réunir…

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Auteur: Reporterre