Les gars en bleu — Jules SEVAL (avec un complément de Maxime VIVAS)

Un tourneur, ça oui, j’accepte et j’en suis fier parce que des comme moi qui bossent sur des tours conventionnels, les tours à l’ancienne, y en a plus beaucoup en France. Et j’ai que 25 ans.

A l’école, on travaillait que sur des machines numériques ; le vrai métier, tu vois, c’est Bertand, un ancien, qui me l’a appris. Ça a été mon tuteur, un bonhomme. C’est lui qui m’a appris à bosser sur tour conventionnel. Y en a plus beaucoup des bécanes comme ça dans la boîte, des Cazenave, c’est beau, c’est old school. Dans notre atelier, y en deux, à la réparation il en reste d’autres, mais c’est tout. Ici, on fabrique des moteurs d’hélico, avec Bertrand, on bosse sur la « ligne carter ». « Ligne » c’est atelier, et « carter » c’est ce qui entoure une partie du moteur. C’est des grandes pièces mais c’est vraiment de la haute précision comme travail. Et on est respectés par les gars, parce que si tu maîtrises le conventionnel, forcément sur numérique t’es fort. Tu peux croire que c’est pour le boulot de finition, pour les trucs les plus techniques que l’homme est plus balèze que les machines sophistiquées ? Alors, je dirais que je suis même un peu artisan, Bertrand il dit « artiste ». Tu peux rigoler, je suis sérieux mec. Tu vois les bricoles qu’on fait des fois entre deux séries, c’est pas du travail à la chaîne, chaque pièce est unique et c’est toi qui la conçois.

Bref, je suis ouvrier, comme tous ceux qui taffent dans les ateliers. Les bureaux, les techniciens méthode, les ingénieurs, c’est un autre monde. Nous on porte le bleu, on embauche à six heures, quatorze heures, vingt-deux heures. Et on quitte pareil. Soit en trois huit, soit en deux huit. Les meilleurs moments c’est la nuit quand y a pas les chefs. Tu crois que c’est pour la paye que les gars demandent à bosser en trois huit ? Peut-être certains, mais les trois huit ça te tue, ça nique tes journées, ton rythme il est foutu. Alors que quand t’es de nuit t’es tranquille. Entre deux séries tu peux t’assoir vite fait, t’es pas obligé d’avoir quelque chose dans les mains pour faire style,…

Auteur: Jules SEVAL (avec un complément de Maxime VIVAS) Le grand soir
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