Les grands mammifères ont façonné l’évolution de l’homme: voici pourquoi cela s’est passé en Afrique

Il est largement admis que l’Afrique est le berceau de l’humanité. Mais il n’est généralement pas reconnu que les caractéristiques uniques de l’écologie africaine ont été à l’origine des transitions évolutives cruciales entre le mangeur de fruits vivant dans la forêt et le chasseur vivant dans la savane. Ces transitions étaient fondées sur les mouvements terrestres et facilitées physiquement par l’aridité saisonnière de l’Afrique, les sols issus de la roche-mère et l’absence de barrières aux mouvements entre le nord et le sud.

Ces caractéristiques ont favorisé l’apparition de vastes savanes herbeuses marquées par des précipitations irrégulières, des incendies réguliers et un nombre abondant d’animaux divers qui broutent et paissent.

Toute ma vie, j’ai étudié l’écologie des grands herbivores africains et leurs effets sur la végétation des savanes. Dans mon récent livre, en reliant à travers un fil conuducteur des élements qui existaient déjà, j’explique comment les caractéristiques distinctives de l’écologie de ces animaux, fondées sur la géographie physique de l’Afrique, ont permis les changements adaptatifs qui ont finalement conduit à l’homme moderne.

Il en ressort une prise de conscience que cette étonnante transformation évolutive n’a pu se produire qu’en Afrique. Cette reconnaissance met en évidence le profond héritage culturel que constitue le patrimoine des grands mammifères africains pour l’ensemble de l’humanité.

Hommes-singes

À partir de la fin du Miocène, il y a environ 10 millions d’années, un panache de magma en fusion, matière liquide chaude provenant des profondeurs de la Terre, a poussé les parties orientales de l’Afrique vers le haut. Cela a entraîné un rifting de la croûte terrestre, des éruptions volcaniques et des sols enrichis en nutriments minéraux provenant de la lave et des cendres. Les savanes herbeuses se sont répandues et les animaux se sont adaptés de plus en plus pour brouter cette composante végétale. Les singes de cette époque ont dû passer moins de temps dans les arbres et plus de temps à marcher debout sur deux jambes.

La réduction progressive des précipitations, qui limite la croissance des plantes et aggrave l’aridité de la saison sèche, a obligé les premiers hommes-singes (australopithèques) à modifier leur régime alimentaire. Ils sont passés de la consommation de fruits des arbres de la forêt à la consommation de bulbes et tubercules souterrains trouvés entre les arbres très espacés. Ces derniers étaient difficiles à extraire et à mâcher.

Cette évolution a conduit à l’émergence du genre Paranthropus (familièrement appelé “homme casse-noix”), caractérisé par des mâchoires et des dents énormes. Il y a environ un million d’années, l’homme casse-noix avait disparu. Apparemment, l’effort d’extraction et de transformation de ces parties de plantes bien défendues était devenu trop redoutable.

Homo habilis

Il y a environ 2,8 millions d’années, une autre lignée s’est séparée des australopithèques, inversant la tendance à une dentition robuste. Cette lignée utilisait des pierres taillées pour servir d’outils. Elles étaient utilisées pour gratter la chair des carcasses d’animaux tués par des carnivores et pour ouvrir les os longs afin d’en extraire la moelle. Cette transition écologique était suffisamment importante pour justifier un nouveau nom générique : Homo, plus précisément habilis__ (“homme à tout faire”).

Ces premiers humains sont donc devenus des charognards des restes d’animaux. Ils exploitaient très probablement un créneau horaire autour de midi, lorsque les tueurs – principalement des chats à dents de sabre – se reposaient, avant l’arrivée nocturne des hyènes qui dévoraient les restes. En marchant debout, ils libéraient leurs bras pour transporter les os afin qu’ils soient traités dans des sites sûrs pour compléter les aliments de base d’origine végétale.

Pour faciliter ces déplacements à la mi-journée, l’Homo habilis a perdu ses poils, ce qui lui permettait d’être actif dans des conditions où les animaux couverts de fourrure auraient vite eu trop chaud.

Homo erectus

Plusieurs centaines de milliers d’années d’évolution en matière de marche verticale et de capacité cérébrale ont conduit au prochain changement adaptatif majeur, illustré par les améliorations apportées à la conception des outils en pierre. Les noyaux…

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Auteur: Norman Owen-Smith, Emeritus Research Professor of African Ecology, University of the Witwatersrand