Les grands projets urbains sont-ils encore désirables dans les métropoles ?

Le 15 septembre dernier, Johanna Rolland la maire (PS) de Nantes annonçait l’arrêt du projet de l’arbre aux hérons dans le quartier du bas Chantenay à Nantes. Initié en 2017 au cœur de la carrière Misery aux bords de la Loire, le projet, une structure de métal et de bois de plus de 30 mètres de haut, imaginée par les artistes Pierre Oréfice et François de la Rozière, devait venir compléter le bestiaire des machines de l’île de Nantes. Dès son annonce, le projet fût la cible de multiples oppositions.

Premiers mobilisés, les riverains privés d’accès à la carrière Misery, se sont organisés contre ce projet qui allait profondément transformer leur cadre de vie et la sociologie du quartier par un processus de gentrification, provoqué par la création d’une nouvelle centralité culturelle et touristique. Rejoins par les élus verts de la majorité municipale, et par des organisations et collectifs de luttes écologistes et sociales, ils ont dénoncé le coût financier et écologique de ce projet qu’ils qualifiaient d’un autre temps.

Les contestations des grands projets d’aménagement comme celui-ci se multiplient dans les métropoles françaises. Celles-ci s’opposent à des infrastructures commerciales comme le centre commercial Neyrpic et des projets de transports urbains tel que le Métrocable à Grenoble ou encore la construction du quartier économique et résidentiel Euratlantique à Bordeaux.

Ces contestations portent sur les projets qui s’inscrivent dans des agendas urbains tournés vers la croissance et la compétitivité économique qui visent à créer des conditions urbaines favorables à l’attractivité métropolitaine par le développement de politiques urbaines d’offre économique.

C’est le cas de l’arbre aux hérons qui s’inscrit dans la continuité du travail initié par Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes, de revalorisation de l’imaginaire et du patrimoine local à des fins culturelles et touristiques. Celui-ci est dénoncé par les habitants du collectif de la commune de Chantenay comme un projet de « touristification », un processus par lequel « le lieu touristique remplace les lieux ordinaires de la vie » et contribue par extension, à la gentrification du quartier et l’exclusion de ses habitants.

Visuel de communication de la plate-forme stop arbre aux hérons, mis à disposition des opposants au projet via leur site Internet

Visuel de communication de la plate-forme stop arbre aux hérons, mis à disposition des opposants au projet via leur site Internet.
Laurent Neyssensas, Author provided

Les effets de l’attractivité mis en cause par les opposants aux projets

Ailleurs aussi, l’attractivité pose question. À Bordeaux, les logements et les bureaux prévus dans l’opération d’aménagement Euratlantique afin de répondre à l’arrivée de nouveaux habitants et attirer de nouvelles entreprises suscite également des indignations. « A-t-on réellement besoin d’attirer de nouveaux arrivants ? », s’interroge un habitant dans une réunion de concertation en octobre 2020. À Grenoble, le projet de Métrocable est dénoncé comme un projet vitrine qui s’inscrit dans « une logique qui pousse à faire de Grenoble une ville « innovante » et « attractive » au détriment de solutions moins coûteuses et moins polluantes existantes sur le territoire.

Les opposants dénoncent ces projets comme résultant de la volonté politique de rendre le territoire plus attractif pour d’autres publics (les touristes, les investisseurs, les grandes entreprises, les « classes créatives »…) au détriment des besoins réels et immédiats des habitants sur leur territoire. Ceux-ci soulèvent également la question de l’utilité de tels projets face à l’urgence climatique et sociale. Le coût écologique induit par « la bétonnisation » des sols, la destruction de terres maraichères et le manque d’espace vert dans les projets d’aménagement sont également dénoncés. Les conséquences sur la qualité de vie des habitants (hausse démographique, nuisances, hausse des besoins et des prix des logements…), la densification des espaces urbains et les coûts financiers liés aux projets sont également mis en cause comme les conséquences d’une attractivité métropolitaine devenue indésirable.

Prise de parole d’une militante dans le cadre d’une mise en scène théatrale du CHU devant le théatre Graslin à Nantes qui dénonce les risques innondations du site d’implantation du futur CHU. Celle ci se déroule à la fin de la patient-walk, une déambulat

Prise de parole d’une militante le 24 avril 2021 dans le cadre d’une mise en scène théatrale du CHU…

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Auteur: Marine Luce, Doctorante en science politique au centre Emile Durkheim, Sciences Po Bordeaux