« Les hommes sont spécialisés dans le travail rémunéré, les femmes dans le travail gratuit »

 basta!  : L’écart de richesse entre les femmes et les hommes est impressionnant en France. Il est passé de 9 % en 1996 à 16 % en 2015. Pouvez-vous revenir sur les raisons de ces inégalités persistantes, et même croissantes ?

Sibylle Gollac : En moins de 20 ans, les inégalités de patrimoine entre les femmes et les hommes ont été multipliées par deux. Cet accroissement, documenté par Nicolas Frémeaux et Marion Leturcq, est principalement dû à l’individualisation des patrimoines au sein des couples. Avant, les inégalités de revenus entre les femmes et les hommes ne se traduisaient pas automatiquement en inégalités de patrimoine, grâce au mariage sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Sociologue et chercheuse au CNRS, Sibylle Gollac est coautrice avec Céline Bessière de l’enquête Le Genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités.

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Avec ce régime, tout ce qui est acquis après le mariage (à l’exception des héritages) entre dans une communauté de biens. Mais depuis les années 1970, il y a un fort recul du mariage. Aujourd’hui, 60 % des enfants naissent hors mariage. Et de plus en plus de gens font des mariages avec séparation de biens.

Au moment des séparations, chacune et chacun repart avec ses propres richesses, et elles sont moindres pour les femmes dans la plupart des cas. Dans notre enquête, qui a duré dix ans, nous avons exploré les raisons de cette moindre accumulation.

Ce que vous avez mis en évidence, c’est que ces inégalités « ne naissent pas à Wall Street, mais dans les replis quotidiens de la vie familiale ». Vous proposez d’ailleurs de regarder la famille comme une véritable entité économique, ce qui va à rebours d’une idée un peu romantique de la famille, mais aussi de certaines théories sociologiques.

Notre travail est une réponse aux théories sociologiques de la famille des années 1980 et 1990 qui affirment que, désormais, les relations familiales sont des relations affectives et non plus économiques. Les femmes ayant acquis une certaine indépendance économique, la relation conjugale serait libérée des contraintes…

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Auteur: Nolwenn Weiler