Les inconséquences du délibératif

Alain Brossat s’attaque ici à un article de Jacques Rancière publié sur Mediapart, en montrant comment ce dernier se plie à la morale républicaine qui, au nom de la liberté d’expression et du régime « délibératif », retire la possibilité même de s’exprimer à ceux qui commettent des « crimes abominables » et qu’il désigne comme des « criminels fanatisés ». Brossat : « c’est toujours du même côté que tombe l’insulte : a-t-on jamais vu un Rancière traiter un flic auteur d’un tir de LBD fatal à une personne d’origine maghrébine de fanatique du maintien de l’ordre, auteur d’un crime abominable ? »

« Diese Macht, diese Gattung von Menschen will ich bei Namen nennen – es sind die Bildungsphilister »
Friedrich Nietzsche

En recourant aux expressions « abominable attentat » et « criminel fanatisé », disposées sur le seuil de son article intitulé « A propos de la liberté d’expression », article profusément partagé, Jacques Rancière paie son ticket d’entrée dans la communauté des gens de bonne compagnie. Il accomplit une sorte de rite de bienséance, il prononce le mot de passe qui donne accès à l’espace public policé dans lequel il va pouvoir prononcer les paroles sévères que lui inspire le mésusage par les médias et une envahissante doxa politique de termes ou syntagmes comme laïcité ou liberté d’expression.

Mais ce faisant, il conduit une autre opération, non moins subreptice : celle qui consiste à exclure de la communauté des parlants (de ceux qui ont voix au chapitre) non seulement l’auteur de l’ « abominable attentat », le « criminel fanatisé », mais tous ceux que l’on pourrait soupçonner de s’identifier à l’un ou à se reconnaître dans l’autre – ce n’est pas pour rien que vers la fin de l’article, c’est au pluriel que s’entend désormais l’expression « criminels fanatisés ». Les « criminels fanatisés », ceux qui d’une…

Auteur: lundimatin
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