Les indigènes sont les révolutionnaires de notre temps

Pour mesurer à quel point sont entremêlés pouvoirs publics et entreprises privées, il n’est qu’à se rappeler la COP27. Pas moins de 636 lobbyistes s’y trouvaient, bien plus que les représentants du monde associatif. Un tel chiffre n’est pas tant scandaleux que symptomatique d’un monde en crise qui, pour juguler la catastrophe écologique en cours, remet les clés de la planète au responsable dudit désastre : l’État-Capital.

C’est ainsi que Sophie Gosselin et David gé Bartoli, philosophes et membres fondateurs de la revue Terrestres, qualifient le monstre à deux têtes qui a présidé depuis quelques siècles à la destruction méthodique de la Terre, dans leur ouvrage La Condition terrestre (Le Seuil, 2022). Mais plutôt que de capituler face au géopouvoir planétaire qui guette, les auteurs envisagent une alliance stratégique : former, avec l’ensemble du vivant, une nouvelle condition terrestre.

D’une certaine manière, Gosselin et Bartoli prolongent les travaux de Baptiste Morizot dans Raviver les braises du vivant : il s’agit cette fois-ci non plus de tisser des liens avec les « autres qu’humains », mais de les pérenniser à travers des institutions, capables de résister à l’aliénation engendrée par l’État-Capital. Car sous une prose aux accents volontiers lyriques et romantiques et parfois, il faut l’avouer, répétitive, se trame une pensée, sinon une méthode, politique tout à la fois libertaire, écologiste et internationaliste.

S’allier au vivant

Dans la mouvance de bon nombre de théories anarchistes, Gosselin et Bartoli considèrent que l’abolition de l’État-Capital viendra de la base. Mais leur base à eux n’est ni le syndicat ni la commune : ce sont « les milieux de vie », depuis lesquels « s’inventeront les institutions terrestres permettant aux habitants de réinventer les mondes et de les personnifier, et de dépasser l’horizon mortifère de l’État-Capital ». Dès lors, il s’agit de négocier des « alliances » — le terme revient tout au long de l’ouvrage — avec les autres qu’humains.

Les deux auteurs prennent ainsi pour exemples la reconnaissance juridique de la rivière Whanganui en 2017 en Nouvelle-Zélande et le démantèlement des deux barrages sur le fleuve Elwha, aux États-Unis, en 2011. Malgré leurs différences d’aspect, ces deux cas illustrent les tractations diplomatiques entre humains et habitants de ces cours d’eau, au terme desquelles le milieu de vie aquatique est devenu le socle à partir duquel repenser les relations sociales intra et extrahumaines. En se mettant à l’écoute des autres qu’humains, les riverains de ces cours d’eau ont su tisser un solide entrelacs de liens avec eux, à mille lieues de…

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Auteur: Maxime Lerolle Reporterre