Les influences nazies du New Public Management — Olivier MOTTINT

On serait volontiers portés à penser que le totalitarisme nazi glorifiait la verticalité et l’autorité en matière de « commandement » des hommes ; ce présupposé est pourtant battu en brèche par Johann Chapoutot, historien français spécialiste du nazisme, dans un petit livre (169 p.) étayé mais facile d’accès. Un ouvrage qui apporte un éclairage neuf sur les conditions d’apparition du management contemporain et interroge les fondements idéologiques du « pilotage par les résultats » [1] que l’on voit se déployer jusque dans le secteur public, enseignement compris.

Dans la première partie de son analyse, Chapoutot met en évidence le fait que l’idéologie nazie exaltait la vitalité, le dynamisme, la nature, et à ce titre abhorrait la structure étatique, considérée comme statique, rigide, et donc inapte à réagir de façon flexible et « agile » aux flux continus des événements et des décisions à prendre. Dès lors, les architectes du management nazi (« Menschenführung »), dont Reinhard Höhn est la figure de proue, préconisent la mise en place d’agences décentralisées, censées être plus « élastiques », plus vives, plus promptes à réagir aux circonstances locales et à l’inattendu, débarrassées qu’elles sont de l’inertie étatique et du corsetage des directives hiérarchiques. Par leur mise en concurrence, ces agences doivent à leur tour favoriser l’émulation des agents, ces « ressources humaines » (« Menschenmaterial ») mises au défi de performer pour assurer leur avancement professionnel, et être reconnus comme des éléments exemplaires de leur race. Inspirés par le darwinisme social, Höhn et ses acolytes parient ainsi sur le « jeu libre » des acteurs et leur mise en concurrence pour optimiser les performances des agents et des organisations.

A partir de ces prémisses, Reinhard Höhn prône logiquement un « management par délégation de responsabilités » : sur le terrain, il convient de donner la plus large autonomie de moyens aux agents, qui doivent prendre des initiatives créatrices, sans se plaindre ni réclamer de moyens supplémentaires aux tutelles. Dans l’optique de « faire plus avec moins », on attend d’eux de l’implication, de l’engagement, du « travail dans la joie ». C’est en déployant leurs initiatives personnelles et leur inventivité propre que ces agents participeront à l’essor du IIIe Reich, sans qu’il leur soit jamais permis d’exprimer la moindre doléance vis-à-vis du pouvoir central. Libres de leurs…

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Auteur: Olivier MOTTINT Le grand soir