Chataignon. — « Hauts dignitaires de l’empire Moghol », 1878.
Il y a quelque chose d’excitant, et d’étourdissant en même temps, à voir le déluge d’idées qui nous vient depuis quelques années de l’élite américaine de la tech ‒ des idées audacieuses, souvent stupéfiantes, parfois terrifiantes.
Vous avez ceux, comme Balaji Srinivasan et Peter Thiel, qui échafaudent des plans d’évasion pour aristocrates du numérique. À chacun son hérésie : le premier entend créer des « États-réseaux », territoires régis par la blockchain où la loyauté aux entreprises de technologie conditionnerait l’accession à la citoyenneté et le droit d’être protégé par la police ; le second rêve de micronations qui flotteraient dans les eaux internationales tels des yachts de luxe et où les riches pourraient vivre leurs fantasmes libertariens hors d’atteinte des gouvernements.
Au-delà, c’est toute la Silicon Valley qui, emportée par son addiction solutionniste, fait mousser les idées comme des bulles financières sur un marché où les grandes utopies s’apprécient plus vite que les stock-options. L’air de rien, Sam Altman élabore des projets de (non-)réglementation de l’intelligence artificielle, et même d’État-providence administré par l’IA (« le capitalisme pour tous » !). Pendant ce temps, apôtres des cryptomonnaies (Marc Andreessen, David Sacks), colonisateurs de l’espace en puissance (Elon Musk, Jeff Bezos) et revivalistes du nucléaire (Bill Gates, Jeff Bezos et Sam Altman, encore) proposent leurs remèdes extravagants à des problèmes en apparence inexplicables. (Mais qui peut bien siphonner toute cette énergie qui nous est soudain tellement indispensable ?)
Lire aussi Victor Chaix,
Auguste Lehuger &
Zako Sapey-Triomphe, « Pourquoi l’intelligence artificielle voit Barack Obama blanc », Le Monde diplomatique, novembre 2024.
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Auteur: Evgeny Morozov