Les jeunes intellectuels chinois et le pouvoir : 100 ans de turbulences

Une forêt de feuilles blanches brandies comme un défi. Quelques slogans sous forme de jeux de mots ou de QR codes pour dénoncer les mesures draconiennes mises en place pour lutter contre l’épidémie de Covid en Chine. Dimanche 27 novembre 2022, plusieurs centaines d’étudiants de l’Université Tsinghua, à Pékin, ont manifesté sur leur campus. Cette université, fondée à la naissance de la République de Chine en 1911, est aussi l’une des plus prestigieuses du pays. Elle a notamment vu passer, parmi ses étudiants, l’actuel président chinois Xi Jinping.

Les jeunes Chinois ont été des acteurs incontournables des bouleversements politiques que le pays a connus au XXe siècle. Ils furent parfois les porte-parole de l’aspiration de la Chine à plus de démocratie, comme à l’occasion du 4 Mai 1919 ou des événements de la place Tian an’Men en 1989. Durant la période maoïste, certains purent également apparaître comme les petites mains zélées du régime, participant aux brimades et humiliations, notamment pendant les premières années de l’implantation du régime communiste en Chine ou lors de la Révolution culturelle (1966-1971), tandis que la jeunesse étudiante était forcée de se « rééduquer » selon les préceptes communistes.

La jeunesse chinoise éduquée est donc celle qui a fait vaciller les deux républiques chinoises, de 1919 à nos jours. Révoltés ou manipulés, quels rapports les jeunes intellectuels chinois entretiennent-ils avec le pouvoir communiste en Chine ?

Le 4 mai 1919 : les jeunes intellectuels chinois réclament la démocratie

Le mouvement du 4 Mai 1919 correspond à deux phénomènes. D’une part, il est le point d’orgue du Mouvement pour la Nouvelle culture, initié en 1915 avec la parution d’une revue intitulée La Nouvelle jeunesse, sous-titrée en français. Son fondateur est Chen Duxiu, doyen de l’Université de Pékin et futur fondateur du Parti communiste chinois. Il appartient à cette jeunesse chinoise éduquée formée dans les universités américaines et japonaises.

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En 1919, la Chine, républicaine depuis 1911, est déchirée entre les seigneurs de la guerre et ne parvient pas à faire advenir la démocratie sur son territoire. De plus, malgré son engagement aux côtés des alliés durant la Première Guerre mondiale, elle voit la province du Shandong, ancienne colonie allemande en terre chinoise, être remise au Japon dans le cadre du Traité de Versailles.

Manifestation place Tiananmen le 4 mai 1919.
Wikimedia

Mobilisés par une constellation d’intellectuels provenant de l’Université de Pékin, 3 000 étudiants pékinois se rassemblent place Tian an’Men ce 4 mai 1919, afin de dénoncer l’injustice faite à la Chine lors de la Conférence de la paix. Au-delà, ils prennent pour modèles les États-Unis, l’Allemagne ou la France et réclament l’avènement de « M. Science et M. Démocratie ». Ils critiquent également les principes confucianistes sur lesquels repose la société chinoise, comme le poids des hiérarchies sociales et familiales ou le peu de place laissé aux femmes. Ce mouvement nationaliste et culturel parti de Pékin essaime dans d’autres villes chinoises (Wuhan, Tianjin ou Chengdu), mais aussi à l’étranger : la diaspora chinoise se mobilise ainsi en Allemagne, en Corée, en Inde ou encore en Russie.

Si ce jour a longtemps été occulté par la République populaire de Chine, son centième anniversaire a été commémoré en 2019 lors d’une cérémonie visant à exalter la jeunesse et le nationalisme chinois. Entre-temps, ce mouvement culturel, considéré comme l’acte de naissance du mouvement nationaliste chinois, trouvera une nouvelle résonance soixante-dix ans plus tard, en 1989…

Les étudiants sous la Chine maoïste : auxiliaires du régime ou parias soumis à la rééducation

La jeunesse chinoise doit également choisir son camp durant la Chine maoïste. Durant toute la présidence de Mao Zedong (1949-1976), les jeunes Chinois semblent être écartelés : les jeunes issus des classes paysannes et ouvrières sont nombreux à devenir les auxiliaires zélés du régime tandis que les plus instruits, accusés d’être des…

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Auteur: Marie Bouchez, Docteure en histoire contemporaine spécialiste des relations franco-chinoises et d’histoire intellectuelle, Université de Lorraine