Les Kurdes, victimes indirectes de la guerre en Ukraine

La guerre en Ukraine a des répercussions géostratégiques importantes sur le Moyen-Orient et, notamment, sur le dossier kurde.

Cette guerre concentre toute l’attention de la Russie et une grande partie de celle des États-Unis, et rend donc ces deux acteurs moins enclins à s’opposer fermement aux opérations conduites par la Turquie contre le PKK (parti marxiste-léniniste pankurde). En outre, le contexte actuel contribue à créer une convergence objective entre Ankara et Téhéran sur la question kurde.

Quand Ankara et Téhéran s’en prennent simultanément aux groupes kurdes

La recherche d’un dialogue entre les puissances occidentales et Téhéran n’est plus à l’ordre du jour.

Les Occidentaux fustigent l’Iran pour son inflexibilité sur le dossier nucléaire et son engagement aux côtés de la Russie en Ukraine, qui s’est matérialisé par la livraison de drones à Moscou.

De son côté, Téhéran dénonce l’ingérence des puissances occidentales dans ses affaires intérieures (puisque ces puissances critiquent avec véhémence la répression du mouvement de contestation qui traverse le pays depuis le meurtre de la jeune Kurde Mahsa Amini) et le rôle déstabilisateur des États-Unis qui affichent leur soutien à l’opposition iranienne – à savoir les monarchistes, les Moujahidines du peuple (comme composante politique identifiée) et aussi les manifestants actuels à l’intérieur du pays.



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Pendant ce temps, la Turquie met à profit le contexte de la guerre en Ukraine, qui lui a permis de renforcer son influence diplomatique, pour mener une offensive militaire en Syrie contre les forces kurdes affiliées au PKK. La branche syrienne du PKK, le Parti de l’union démocratique (PYD), domine les Forces démocratiques syriennes, structure militaire hétéroclite composée de plusieurs dizaines de milliers de combattants.

Depuis le 20 novembre, Ankara conduit une suite d’opérations militaires qui ont pris la forme d’une série de raids aériens et de tirs d’artillerie contre les positions en Syrie et en Irak du PKK, tenu pour responsable de l’attentat à la bombe qui a fait six morts à Istanbul le 13 novembre. La Turquie prépare ses forces terrestres à un engagement majeur dans le nord de la Syrie.

La Turquie riposte à l’attentat d’Istanbul en frappant les régions kurdes de Syrie et d’Irak, France 24, 20 novembre 2022.

Téhéran, de son côté, a frappé les positions militarisées dans le Mont Qandil (non nord-ouest de l’Irak) de plusieurs organisations kurdes – le Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI), le Parti pour une Vie Libre au Kurdistan (PJAK, branche iranienne du PKK) et Komala (Organisation autonomiste kurde (de tendance maoïste). Ces groupes sont accusés par Téhéran d’attiser les manifestations contre le régime consécutives à la mort de Mahsa Amini.



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Ces nouveaux développements démontrent que si, historiquement, la question kurde renvoie à une diversité de réalités et d’intérêts, le sentiment identitaire qui déborde les frontières et la trajectoire de certains mouvements indépendantistes, ainsi que leur alliance devenue inextricable avec les États-Unis, fédèrent les deux principaux acteurs régionaux dans leur volonté de neutraliser la « menace intérieure kurde ».

La passivité américaine

Voilà près de 40 ans que des épisodes d’affrontements rythment l’histoire conflictuelle entre le PKK, créé en 1978 par Abdullah Öcalan (et inscrit depuis 1997 sur la liste américaine des organisations terroristes), et les autorités turques. Le conflit armé, qui débute en 1984 et atteint son paroxysme dans les années 1990, est passé par plusieurs phases. Après une période d’accalmie à la fin de l’année 2012, faisant suite à des négociations entre les autorités turques et le PKK, le conflit s’intensifie de nouveau à partir de 2015.

À la faveur de la guerre en Syrie et des évolutions sur le terrain, le PYD a connu une montée en puissance qui a accru les appréhensions d’Ankara. Pour la Turquie, cette force incarne une menace pesant sur son intégrité…

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Auteur: Lina Kennouche, Docteur en géopolitique, Université de Lorraine