Les légumineuses, pilier pour des systèmes agroalimentaires plus durables en Europe

L’explosion actuelle du prix des engrais azotés de synthèse, liée à celle du gaz, renchérit les coûts de production de la plupart des grandes cultures comme le blé ou le colza. L’Europe est en outre globalement déficitaire en protéines végétales. Développer la culture des légumineuses, qui ne nécessitent pas de fertilisants azotés, apparaît donc intéressant.

Rappelons que le terme de légumineuses renvoie, dans les systèmes agricoles, à deux groupes : les légumineuses fourragères, utilisées en plante entière dans l’alimentation des ruminants – luzerne, trèfle, vesce… – et les légumineuses à graines (protéagineux ou légumes secs) dont les graines sont récoltées pour l’alimentation animale ou humaine – soja, pois, fève, lentille, haricot…

Les légumineuses peuvent être cultivées pures (une seule espèce dans la parcelle), en cultures annuelles associées, ou en prairies multi-espèces et pluriannuelles. Elles peuvent s’insérer dans les rotations en culture principale, en culture intermédiaire (implantée entre deux cultures principales pour fournir des services autres que la production) ou en plantes de service, cultivées avec une culture principale pour lui apporter divers bénéfices.

Face à l’instabilité récurrente des marchés agricoles, encourager la culture des légumineuses réduirait la dépendance de nos systèmes alimentaires à l’égard des importations de protéines végétales. Sans compter que les légumineuses représentent une option de diversification des cultures dans les territoires et procurent une série de bénéfices écologiques et socio-économiques. Encore faut-il qu’il existe un potentiel d’extension de ces cultures, et que l’on sache comment les intégrer dans les systèmes de culture.

Moins d’impact sur le climat et l’environnement

Penchons-nous d’abord sur les bénéfices associés aux cultures de légumineuses. Grâce à une symbiose avec des bactéries au niveau de leurs racines, ces plantes sont capables d’utiliser l’azote présent dans l’atmosphère pour assurer leur croissance et synthétiser leurs protéines.

Pour croître, et produire des fourrages et des graines, elles ne nécessitent donc pas d’engrais azotés de synthèse (tels que l’ammonitrate ou l’urée), dont l’utilisation engendre des émissions de protoxyde d’azote (N₂O), puissant gaz à effet de serre (GES). Des émissions qui représentent en France près de la moitié de celles du secteur agricole.

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La fabrication de ces engrais, très coûteuse en énergie (et donc économiquement), induit par ailleurs des émissions de CO2, et leur usage, quand il est excessif, contribue à polluer l’eau par les nitrates.

Une partie de l’azote que les légumineuses prélèvent dans l’atmosphère et laissent dans le sol via les résidus de cultures et le système racinaire se retrouve disponible pour les cultures suivantes dans la rotation. Cette fourniture d’azote par les légumineuses est utile pour réduire la dépendance des systèmes agricoles aux engrais azotés, et constitue une source d’azote essentielle pour les systèmes en agriculture biologique.

Diversification, autonomie alimentaire, santé

Les légumineuses contribuent par ailleurs à la diversification des systèmes de grande culture européens, très spécialisés dans la production de céréales et oléagineux. Cette diversification apporte des bénéfices agroécologiques en matière de qualité des sols et de biodiversité, tout en perturbant le cycle biologique des insectes ravageurs, des maladies des cultures principales et des plantes indésirables.

Produire plus de légumineuses en Europe contribuerait aussi à améliorer l’autonomie alimentaire de nos élevages : en 2021, l’Union européenne a ainsi importé 15 millions de tonnes (Mt) de graines de soja et 16 Mt de tourteaux pour alimenter ses animaux d’élevage. Mais cette substitution de protéines importées par des légumineuses cultivées localement suppose de réduire les surfaces cultivées avec d’autres cultures, ou de transformer les systèmes d’élevage pour donner plus de place à l’herbe et aux légumineuses fourragères.

Dans nos régimes alimentaires européens, où les protéines animales dominent, le rééquilibrage de la consommation vers les végétales a des…

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Auteur: Nicolas Guilpart, Maître de conférences, AgroParisTech – Université Paris-Saclay