Au fil du temps, l’indri (ou babakoto) s’est forgé une solide réputation, puisqu’il s’avère être le seul lémurien à appartenir au groupe des primates chanteurs. À Madagascar, les habitant·es le considèrent comme un animal sacré, voire « totem », à l’image de la tribu Betsimisaraka. Son culte, entretenu à travers la mémoire orale et documenté par des ethnologues et des naturalistes à partir du XIXe siècle, a fortement contribué à son estime populaire. Bien que le recours aux fady – terme spirituel local désignant un ensemble d’interdictions et de tabous – ait protégé l’indri durant des décennies, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) le classe, depuis 2012, parmi les espèces en danger critique d’extinction.
D’après les spécialistes, au plus fort des estimations, 10 000 individus peupleraient l’île, répartis de façon hétérogène dans certaines forêts tropicales humides et réserves naturelles situées à l’est – de 5,2 ind/km² à Mantadia jusqu’à 26,7 ind/km² à Analamazaotra. L’érosion des tabous a certes contribué à l’accélération des cas de braconnage et donc à la raréfaction de l’espèce, mais d’autres causes appellent des changements structurels profonds. Rio Heriniaina, primatologue et enseignant-chercheur à l’École des Sciences Agronomiques et Environnementales de Diégo à Madagascar (ESAED), s’inquiète de l’exploitation des ressources naturelles associées à l’habitat de l’indri :
« Dans notre pays, les industries minières sont en pleine activité. Et l’État prévoit désormais de construire une autoroute traversant un corridor écologique qui abrite des espèces sensibles telles que l’indri indri. Bien que des politiques environnementales existent, la mise en œuvre effective de la conservation repose encore largement sur l’engagement et les efforts conjoints des différentes parties prenantes », analyse-t-il,…
Auteur: Rodolphe Lamothe