Les lobbies ou la fabrique de l'impuissance

Une conversation avec un voisin de quartier ou une plongée dans la bouillasse des réseaux sociaux suffisent à convaincre de ce que toute la science sociologique et sondagière ne fera que confirmer : jamais la conscience de la catastrophe en cours n’a été aussi omniprésente et aussi intense, et jamais elle ne s’est accompagnée d’un si profond sentiment d’impuissance. Tout un chacun sait que la Covid-19 n’était que la première et sûrement pas la pire des nouvelles pandémies engendrées par l’industrialisation de la biosphère, que le dérèglement climatique vient à peine de commencer et qu’il va prendre une tournure toujours plus cataclysmique, que les guerres y compris nucléaires sont devant nous. Tout le monde sait que, face à cela, la nécessité même de parer au plus pressé, c’est-à-dire de soigner et prendre soin des plus faibles, va devenir de plus en plus difficile. Tout le monde le sait et tout le monde pense qu’il n’y peut rien. Jamais sans doute dans l’histoire l’humanité n’a été aussi consciente de ce qu’elle était la cause principale de ses malheurs et de ceux de la Terre, et jamais elle n’a été aussi impuissante à les arrêter.

S’il existe un petit trou de souris par lequel échapper à la glissade mortifère universelle, on n’y arrivera qu’en commençant à comprendre ce qui a fabriqué cette impuissance et ce qui la fabrique encore. Repérer, dans les institutions et l’économie, les pratiques et les circuits aboutissant à déposséder l’immense majorité de la population de tout pouvoir d’intervention sur la catastrophe en cours, passe par une réflexion sur le rôle des lobbies. Les complotistes, de l’abbé Barruel à Louis Fouché et ses compagnons de route ultra-gauche, rejouent inlassablement le même mauvais tour consistant à remplacer le combat entre exploiteurs et exploités, qui est le moteur de l’histoire, par un combat contre des lobbies. Mais ne pas saisir à travers quels acteurs précis, quelles pratiques et quels réseaux s’incarne la mortifère dynamique capitaliste c’est se condamner aux généralités creuses.

On souhaiterait inaugurer ici une série de bonnes feuilles documentant l’action des lobbies les plus néfastes et les plus puissants, ceux qui interagissent sans cesse avec les gouvernants, et qui déterminent leurs actions autant pour des raisons d’intérêts individuels et de classe que par une proximité idéologique fondamentale. L’invraisemblable arrogance de ces gens n’est pas que morgue de classe, c’est aussi…

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Auteur: lundimatin