Les médias contre la gauche

Il y a quarante ans, en mars 1983, François Mitterrand, premier président de gauche de la Ve République, élu en 1981 sur un programme de rupture avec le capitalisme, amorce un « tournant de la rigueur » et renonce de ce fait à poursuivre la politique pour laquelle il a été élu. Il n’y aura pas de retour en arrière. Au cours des années et des décennies suivantes, les médias qui s’opposaient au pouvoir gaulliste puis giscardien et avaient soutenu le candidat socialiste s’abstiennent d’interroger trop ouvertement – et a fortiori de critiquer – ce fait politique majeur. Au nom du réalisme, du sérieux et de la culture de gouvernement, ils l’accompagnent même avec zèle.

En 1984, Libération, qui est pourtant alors emblématique de la gauche post-soixante-huitarde (quotidien fondé en 1973 autour de Jean-Paul Sartre), donne un compte rendu enthousiaste d’une émission spéciale réalisée par la chaîne de service public Antenne 2, « Vive la crise ! », qui chante les louanges de l’austérité, les vertus du marché et l’obsolescence de l’État-providence. Au cours des années 1980, Le Nouvel Observateur, hebdomadaire de la gauche intellectuelle et culturelle qui s’était engagé en faveur de François Mitterrand, devient l’organe de propagande de la faction du Parti socialiste la plus anticommuniste et la plus droitière, acquise à l’économie de marché la plus débridée ; il s’accommode évidemment fort bien des reniements gouvernementaux, quand il ne les appelle pas de ses vœux. Le Monde, qui tient à son statut de quotidien « de référence » et à sa ligne de centre gauche, s’aligne sans scrupules sur la nouvelle doxa économique et politique. Les médias se ferment à l’économie hétérodoxe (marxiste et même keynésienne) comme à la critique sociale. Partout, le néolibéralisme est hégémonique.

Bien que connaissant une embellie à partir de la fin des années 1990, les…

La suite est à lire sur: www.acrimed.org
Auteur: Pauline Perrenot