Les métaux sont-ils le chaînon manquant pour comprendre la maladie d’Alzheimer ?

Les maladies neurodégénératives sont caractérisées par une détérioration progressive des neurones, entraînant un dysfonctionnement du système nerveux et une perte graduelle des capacités cognitives et/ou motrices. La maladie d’Alzheimer représente la forme la plus courante de ces pathologies.

Bien que cette dernière présente un impact et un coût sociétal majeurs dans nos sociétés vieillissantes, très peu de progrès ont été faits d’un point de vue thérapeutique et ceci malgré des efforts importants en recherche clinique. Ce paradoxe apparent pourrait provenir d’une compréhension encore partielle de ses mécanismes moléculaires.

Nous essayons d’apporter ici un éclairage original à ce sujet en nous focalisant sur l’altération de la répartition des « métaux » dans le cerveau, qui pourrait favoriser la dégénérescence et la mort des neurones. Par souci de simplification, nous utilisons le terme « métaux » pour désigner les ions métalliques issus du zinc Zn(II), du cuivre Cu(I/II) et du fer Fe(II/III).

Une origine toujours incomprise

Dès 1907, les travaux originaux d’Alois Alzheimer avaient mis en évidence l’existence de plaques dites « amyloïdes » (dépôt de protéines agrégées) dans le cerveau d’une patiente décédée ayant souffert de démences caractéristiques de la maladie qui portera plus tard son nom. Mais plus d’un siècle plus tard, de nombreux aspects de la maladie restent dans l’ombre.

Ces plaques amyloïdes résultent de l’agrégation de protéines nommées Amyloïdes-β (Aβ), identifiées par George Glenner et Caine Wong (université de Californie) dès 1984, puis de leur accumulation. L’agrégation est le phénomène par lequel elles se regroupent pour former des ensembles très stables. Les protéines Aβ proviennent de la coupure d’une protéine parente, plus longue, appelée « protéine précurseur de l’amyloïde » (APP). Les fonctions de l’APP, tout comme celles de l’Aβ, restent encore largement inconnues et partiellement incomprises.

La théorie dite « amyloïde » selon laquelle la maladie d’Alzheimer est causée par la présence de ces fameuses plaques amyloïdes dans le cerveau a été formulée initialement par le généticien John Hardy (University College London) et le neurobiologiste Gerald Higgins (National Institute on Aging) en 1992. Mais la contribution réelle des agrégats de protéines dans l’évolution de la maladie reste aujourd’hui sujette à débat.

Plaques amyloïdes dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer

Les plaques amyloïdes (ici en fuchsia), constituées de protéines agglutinées entre les cellules cérébrales, peuvent être présentes dans le cerveau des malades atteints d’Alzheimer.
Pics56, CC BY-SA

Une autre théorie est également formulée, mettant cette fois en cause une agrégation intracellulaire anormale de la protéine Tau. Cette dernière, associée aux microtubules (qui participent à la formation du squelette cellulaire) et régulant leur dynamique de formation et déformation, peut entraîner des enchevêtrements fibreux capables de se propager d’un neurone à l’autre et à l’ensemble du cerveau.

Habituellement, Tau reçoit un groupement chimique nommé phosphate afin de réguler ses fonctions cellulaires. Or, dans certaines conditions, Tau se trouve chargée de beaucoup trop de phosphates cela va favoriser son agrégation et induire une perte fonctionnelle puis, in fine, la mort neuronale.

Ces deux théories, « amyloïde » et « Tau », ont conduit au développement de nombreuses recherches pour le développement de médicaments… qui, pour l’heure, restent peu efficaces. Beaucoup sont en effet basées sur l’utilisation de modèles animaux transgéniques (génétiquement modifiés) ou de protéines synthétiques qui reproduisent imparfaitement la pathologie humaine.

Par ailleurs, on sait aujourd’hui que des plaques amyloïdes peuvent être présentes dans le cerveau de patients ne souffrant pas de démences et, inversement, être absentes (ou peu s’en faut) chez des patients ayant souffert de démences. Bref, il ne semble pas y avoir de corrélation étroite entre la quantité de plaques amyloïdes et la sévérité des symptômes de la maladie.

Il parait donc maintenant important et urgent d’envisager la maladie d’Alzheimer non plus sous une seule hypothèse, mais de la considérer sous un aspect…

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Nicolas Vitale, Directeur de recherche, Inserm