- Théâtre del’Odéon (Paris), reportage
Les petites loges se sont transformées en chambre, où reposent valises et matelas gonflables. La salle de réception est devenue lieu de vie, où se déroulent deux Assemblées générales par jour. Depuis le 4 mars, quarante-deux militants occupent le théâtre de l’Odéon, dans le 6e arrondissement de Paris — un théâtre à l’italienne, tout de rouge et d’or. Le mouvement d’occupation a été suivi par près de cent salles à travers le pays. Au-dessus d’une grande cheminée a été accrochée une carte de France parsemée de points jaunes, représentant les lieux culturels occupés.
Surplombant les colonnes néoclassiques, la terrasse offre un panorama majestueux. Le téléphone coincé entre l’oreille et l’épaule, Thomas y fait les cent pas. Sa discussion semble tendue. Il raccroche et souffle : « Toutes mes dates du mois de mai sont en train de partir en fumée avec les annonces de Macron. »
Une carte de France parsemée de points jaunes, représentant les lieux culturels occupés.
Harmoniciste de Pantin, il devait se produire à Nantes une semaine durant. Le spectacle vient d’être annulé. « On nous demande de cumuler 507 heures de travail par an pour avoir le statut d’intermittent du spectacle et obtenir les indemnisations de l’assurance chômage… sauf qu’on ne peut pas travailler. C’est comme accrocher les mains d’un enfant dans son dos et lui dire d’attraper la boîte de biscuits dans le placard. C’est complètement absurde ! » Karine acquiesce. Ensemble, ils préparent l’enregistrement d’un disque. « On demande que l’année blanche, qui doit prendre fin le 31 août, soit reconduite d’un an à compter de la fin de la période d’impossibilité de travailler », dit-elle.
Une montagne de plusieurs centaines de ballons de baudruche surgit à l’autre bout de la terrasse. Elle forme les trois lettres : O-Q-P. « Faites attention, c’est fragile ! » Sous son chapeau vert de magicien, orné de jetons de casino de Las Vegas, Coco crie les instructions. À côté de lui s’agite un petit homme en salopette aux sangles rouges. C’est Nico, son acolyte : « Je flippe. Je n’ai pu travailler que huit heures cette année. Au 31 août, finis les indemnités. Je ne toucherai plus que le RSA alors je vais quitter Paris parce qu’ici, ça ne suffit pas à survivre. » Sa voix tremble. Il marque une pause, puis éclate en sanglots : « Je ne peux pas envisager d’arrêter ma carrière à cinquante ans. Ce métier, c’est toute ma…
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Auteur: Reporterre