« Les Paravents », splendide nécessité

© Philippe Chancel, Théâtre National de Bretagne, 2023.

Rarement montée, alors que l’écriture de Jean Genet, sous toutes ses formes, continue à fasciner les gens de théâtre, Les Paravents est certainement l’une de ses œuvres les plus retorses à représenter. Pièce-odyssée : 96 personnages. De très nombreuses didascalies, souvent contraignantes et contradictoires. Les héros en sont Saïd, un indigène dont la pauvreté ne lui a permis d’épouser que Leïla, la femme la plus « laide » des alentours, et la Mère de Saïd, sorte de Pythie annonciatrice de la fin d’un monde en décomposition. Ils traversent, sur seize tableaux, un territoire qui n’est pas nommé mais où la population livre une guerre d’indépendance contre tous les visages de la colonisation — qui les conduira jusqu’au royaume des morts. La pièce doit son titre aux indications de Genet qui voulait sur la scène de nombreux paravents pour éclairer les strates de la guerre de classe, de race et de sexe que se livrent les protagonistes. Pour passer de la fiction au réel, du monde des vivants au monde des morts.

Écrite en 1958, publiée en 1961, alors que fait rage la guerre d’Algérie, elle est créée en 1966 par Roger Blin au Théâtre de l’Odéon, dont Jean-Louis Barrault a pris la direction et où il joue aux côtés de Maria Casarès et Madeleine Renaud, entre autres. Elle met le feu à la salle. Sa réputation de brûlot « antifrançais » a drainé les nostalgiques de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), qui ne supportent pas de voir ainsi épinglés colons et militaires dans leur brutalité. Une scène tout particulièrement, où des soldats enterrent un officier en se livrant, faute de fanfare militaire, à un concours de pets aux odeurs du Lot-et-Garonne et du Tarn pour reconstituer « un petit air de France » les mettra en fureur. Toute la gamme d’écriture de Genet se déploie ici dans des…

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Auteur: Marina Da Silva