Les Pinçon-Charlot et les médias : à propos du documentaire À demain mon amour

Acrimed : La question des médias et de leur critique jalonne À demain mon amour, est-ce un choix conscient au-delà du souci de refléter les préoccupations et la pratique des Pinçon-Charlot ?

Basile Carré-Agostini : Oui, absolument. Mais avant même de parler précisément du film, je pense pouvoir affirmer que le geste documentaire est en soi une forme de résistance au bruit permanent qu’imposent les médias dominants, et ce d’autant plus quand les productions sont destinées au calme des salles de cinéma. Mon documentaire est aussi un film sur deux sociologues, deux chercheurs, qui ont passé une vie de labeur à produire de la connaissance.

Loin du fracas médiatique, dans leur travail scientifique au CNRS, ils ont cependant, surtout à la retraite, décidé de prendre la parole pour offrir au plus grand nombre le fruit de leur recherche, d’une part en écrivant des livres plus accessibles et d’autre part en allant en parler à la télévision et à la radio. Petite anecdote à ce propos : c’est Pierre Bourdieu lui-même qui, dans la cour du Collège de France, a félicité Monique et Michel Pinçon-Charlot : « J’apprécie la façon dont vous arrivez à travailler avec les médias, je vous écoute à la radio. Vous arrivez vraiment à faire passer la sociologie ! »

Monique a pris cette injonction du « maître » très à cœur, ce n’était pourtant pas dans son tempérament, et j’ai pu la filmer de nombreuses fois en train de se préparer à affronter des plateaux généralement hostiles. Il fallait la réconforter quand elle en revenait, après s’être retrouvée seule face à des contradicteurs libéraux unis pour la décrédibiliser ; un article d’Acrimed dénonce les manipulations de montage dont la parole de Monique a été victime dans une émission de France 5, comme si le déséquilibre flagrant du plateau ne suffisait pas. Dans ces moments, Monique vit la sociologie comme un vrai sport de combat. Aujourd’hui c’est plus simple, elle n’est presque plus invitée dans les grands médias depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron.

Pour parler du film, au tournage comme au montage, une de mes obsessions était bien de dénoncer la fiction dans laquelle je considère que les médias dominants nous font vivre. Ainsi, si je suis entré dans la chambre de Monique et Michel pour les filmer, ce n’est pas par voyeurisme, mais bien pour mesurer la différence entre le réel que nous avions vécu ensemble la journée, par exemple lors d’une mobilisation sociale, et le traitement…

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Auteur: Laurent Dauré Acrimed