Les piqûres de moustiques, toute une histoire !

Présenter le moustique sous toutes ses facettes, c’est ce que proposent Sylvie Lecollinet, Didier Fontenille, Nonito Pagès et Anna-Bella Failloux dans leur livre « Le moustique, ennemi public n°1 ? », paru en décembre 2022 aux éditions Quæ. L’extrait qui suit revient sur la longue histoire des maladies transmises aux humains par ces insectes. Le livre est accessible en intégralité dans son format numérique sur le site de l’éditeur.

Les plus anciennes suspicions de maladies et d’épidémies dues à un agent infectieux transmis aux humains par des moustiques datent de plusieurs milliers d’années. S’il est impossible d’affirmer avec certitude de quelles maladies il s’agissait, certains symptômes sont suffisamment évocateurs pour les rattacher à une pathologie.

Il arrive également que l’on retrouve des traces d’acides nucléiques d’agents infectieux dans les tissus des vertébrés, comme des traces d’ADN de Plasmodium falciparum dans des momies datées de 3200 ans avant notre ère.

Les premières traces écrites à notre disposition remontent à l’Antiquité. Le Huangdi Nei Jing, ouvrage de médecine chinoise traditionnelle, attribué à l’empereur Jaune, 2700 av. J.-C., mais écrit 2 000 ans plus tard, décrit la rythmicité d’accès de fièvres, caractéristique du paludisme. Hippocrate (Ve siècle avant notre ère), philosophe et médecin grec, considéré comme « le père de la médecine », décrit des fièvres ayant la symptomatologie du paludisme et fait un lien entre les marais et ces fièvres dans son Traité des airs, des eaux et des lieux. Il écrit dans le Traité des vents :

« Si on connaissait la cause des maladies, on saurait les guérir. […] L’air est la cause des fièvres sporadiques. L’air est la cause des principaux phénomènes qui accompagnent les fièvres : frissons, tremblements, bâillements, résolution des articulations, sueurs, céphalalgies. »

S’il décrit bien les symptômes de la maladie, il se trompe sur l’origine du paludisme, plutôt lié à l’eau dans laquelle prolifèrent les larves de moustiques qu’à l’air, les Plasmodium n’étant pas transmis par aérosol.

Galien (129-201), après Hippocrate, alerta sur l’existence d’un lien entre cette maladie et la présence de marais, attribuant aux « miasmes » (le mauvais air : mal’aria) des zones humides la responsabilité de la propagation de maladies. C’était le cas autour de la Rome antique, où Galien exerça, et où les nombreuses zones marécageuses très insalubres provoquaient ce qu’on appelait la fièvre de Rome.

On trouve des larves de moustiques dans divers habitats où l’eau s’accumule.
(Shutterstock)

D’après Pierre Ambroise-Thomas dans La Petite et la Grande Histoire du paludisme (2007), le paludisme est crédité (sans preuves réelles) de la mort de grands dirigeants (Toutankhamon, Alexandre le Grand, Gengis Khan, Philippe II, Édouard IV d’Angleterre), de papes (Jean XV, Grégoire V, Damase II, Léon X et Urbain VII), d’artistes (Dante, Le Caravage, Lord Byron), et plus récemment de sportifs (Fausto Coppi, qui décède en 1960 après avoir contracté le paludisme en Haute-Volta, actuellement Burkina Faso).

L’histoire veut que les immenses conquêtes d’Alexandre le Grand auraient été freinées en 323 avant J.-C. par son décès, à 32 ans, attribué soit au paludisme (moustiques Anopheles), soit à la fièvre du virus West Nile (moustiques Culex).

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Les moustiques ont marqué l’histoire plus récente de l’Europe, où le paludisme était présent jusqu’en Scandinavie.

Près de 1 500 ans après Galien, l’Italie et Rome restaient très impaludées. En juillet 1623, parmi les cinquante-cinq cardinaux se réunissant à Rome pour élire un nouveau pape, une dizaine décédèrent de ce qui semble être le paludisme dans les deux semaines qui suivirent l’élection.

En France, sur l’actuel…

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Auteur: Sylvie Lecollinet, Vétérinaire et virologue, Cirad