Pierre Cannet est directeur du plaidoyer du WWF France, la section française du Fonds mondial pour la nature.
Reporterre — Vous demandez l’instauration d’un « passe climatique » : chaque loi serait ainsi évaluée – et validée – au vu de ses conséquences écologiques. Qu’est-ce que cela changerait ?
Pierre Cannet — Lors des précédents quinquennats, beaucoup de décisions ont été prises qui n’étaient pas à la hauteur de nos objectifs climatiques. Sur l’artificialisation des sols, sur les pesticides, sur les émissions de CO2… Les échecs ont été nombreux. Nous voulons nous assurer que les décisions qui seront prises par le prochain ou la prochaine présidente répondent enfin à la crise écologique. D’où l’idée du passe climatique.
Ce dispositif viendrait se greffer au processus de fabrication d’une loi. Quand un gouvernement propose un projet de loi, ce texte est d’abord examiné par le Conseil d’État, qui donne un avis sur sa légalité. Là, l’idée serait d’avoir une autre autorité indépendante – ce pourrait être l’actuel Haut Conseil pour le climat – qui délivrerait une évaluation environnementale et climatique du texte. Ainsi, le gouvernement comme les parlementaires pourraient débattre en connaissance de cause, et – on l’espère – corriger le tir si besoin. Cette même autorité pourrait se prononcer sur le texte définitif, mais également sur les décrets d’application.
Ces avis pourraient également servir, par la suite, aux juges. Prenons l’exemple de l’affaire Grande-Synthe, cette ville du Nord qui a attaqué l’État pour inaction climatique. Ce sont les plaignants, ainsi que les magistrats, qui ont dû prouver que l’État ne remplissait pas ses objectifs. Idem pour l’Affaire du siècle. Si une autorité indépendante existait, elle aurait pu déjà fournir ce travail colossal d’évaluation, et accélérer les procédures.
Sans renverser la table institutionnelle, notre passe climatique vise ainsi à repenser la fabrique de la loi. Aujourd’hui, moins de 3 % des articles sont évalués au regard des objectifs climatiques : ce n’est pas normal ! Les dirigeants ont beaucoup de mal à prendre en compte l’urgence écologique. Pourtant, la crise sanitaire l’a montré, ils sont capables de prendre des décisions fortes, et les Français sont capables de s’adapter. Après avoir exigé des Français une discipline de fer face à la pandémie, rien ne peut plus justifier aujourd’hui qu’un président ne s’impose pas la même discipline pour…
La suite est à lire sur: reporterre.net
Auteur: Lorène Lavocat (Reporterre) Reporterre