Les promesses de l'Altiplano

Il y a bien des raisons pour suivre Frank Poupeau sur les hauts-plateaux au-dessus de La Paz, et notamment le fait qu’on pourrait bien y trouver, avec lui, des « lignes de fuite » qui ouvrent sur « d’autres devenirs ». Pour qui ne se satisfait ni des perspectives de création d’archipels de territoire libérés comme modèle suffisant à changer le monde, ni des spéculations spinozo-mélenchoniennes qui y rajoutent le recours aux urnes et une pincée de souverainisme, les interrogations de ce sociologue sont les bienvenues.

Il faut dire qu’à la démarche consistant à aller enquêter sur « le terrain le plus difficile d’accès possible » – c’est-à-dire dans un quartier périphérique de la ville périphérique d’El Alto, nommé comme par hasard Solidaridad, il rajoute sa manière de ne jamais se satisfaire des réponses, ne prenant pour argent comptant ni celles des subaltern studies ni celles de l’analyse institutionnelle. En déployant sa recherche sur la durée (une vingtaine d’années), il a pu constater l’évolution des rapports entre mobilisations politiques s’affrontant aux institutions étatiques à travers des organisations nationales (syndicats ouvriers, organisations de paysans et en particulier de cultivateurs de coca, etc…), et organisations de base répondant aux besoins de la vie quotidienne. Entre organisations de base (coopératives, comités de quartiers, communautés paysannes…) et organisations nationale, une alliance s’est scellée dans la lutte pour la défense des ressources naturelles contre leur privatisation-appropriation par le néo-libéralisme. Combat qui a connu des épisodes incandescents avec la « guerre de l’eau » en 2000 à Cochabamba, contre une compagnie possédée en majorité par la française Lyonnaise des Eaux, la « guerre du gaz » à El Alto en 2003, la mobilisation contre la compagnie de l’eau à La Paz à partir de 2004 et durant le conflit du Tipnis en 2011 contre la construction d’une route, où sont entrés en contradiction les intérêts des populations indiennes menacées dans leur environnement, et ceux des cultivateurs de coca chers à Morales. De la trajectoire du parti du président déchu, qui sut si bien se nourrir des mobilisations populaires et s’appuyer sur les organisations de base, Poupeau tire ce bilan : « Quatorze ans après l’arrivée du MAS au pouvoir, il y a bien de meilleures conditions de vie matérielles, mais à quel prix : compétitions entre habitants, collusions d’intérêts, spéculation,…

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Auteur: lundimatin