« Les sans-papiers sont traités comme des indésirables »

Moins de visas, plus d’expulsions : les finalistes de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, promettent de durcir la chasse aux migrants. Dans son livre Vivre sous la menace, paru le 8 avril dernier aux éditions du Seuil, le chercheur Stefan Le Courant montre comment cette politique façonne des vies, même en dehors des murs des locaux de rétention.

Pendant plusieurs années, il a suivi le quotidien d’une quarantaine d’étrangers, qu’il a accompagnés dans leurs démarches de régularisation à la préfecture, chez leurs avocats, aux permanences associatives, ou suivi à leur domicile. « Quitter la rétention m’a permis de découvrir la diversité des vies que le traitement policier indifférencié dissimulait », écrit-il.

Son enquête représente, pour l’anthropologue de l’exil Michel Agier, qui en a écrit la préface, une « description minutieuse de manières de vivre avec la peur », de l’arrestation, de l’enfermement ou de l’expulsion qui « frôlent » l’existence en permanence. Des menaces « qu’il faut savoir vite repérer sur un uniforme, un véhicule, un brassard, un talkie-walkie qui grésille ». Reporterre s’est entretenu avec Stefan Le Courant une matinée d’avril.


Reporterre — Vous emmenez vos lectrices et lecteurs aux côtés de Masséré Sissoko, Dario Achadoo, Béatrice Tamba, Hicham Labraoui, Elikia Mbono ou encore Thomas Sidibé. Que partagent ces individus ?

Stefan Le Courant — En apparence, pas grand-chose. Ils ont des trajectoires très différentes. Masséré est parti de son village au Mali pour rejoindre des membres de sa famille qui l’avaient précédé en migration. Dario a quitté l’île Maurice pour étudier en Angleterre et est finalement resté en France. Béatrice a fui le Gabon, où elle ne se sentait plus en sécurité. Mais en réalité, ils sont extrêmement liés : dépourvus de papiers, ils partagent un quotidien sur lequel plane le spectre du retour à la frontière, de l’expulsion, qui façonne leurs conditions de vie. Je les ai rencontrés au local de rétention administrative de Choisy-le-Roi, où ils étaient détenus. Au fil des années, de rencontres hors de la rétention, ils m’ont plongé dans un univers traversé d’incertitudes, où règne le tâtonnement, le doute.

Il y a eu, d’abord, leurs récits d’arrestation et d’enfermement. Les brutalités que le corps a endurées reviennent sans cesse : l’exiguïté d’un fourgon cellulaire, les fouilles, les mises à nu, les prises d’empreintes,…

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Auteur: Alexandre-Reza Kokabi (Reporterre) Reporterre