Vous vous apprêtez à lire le quatrième volet de notre enquête « Le littoral, du paradis au cauchemar climatique ». Le premier, Barracuda et poisson-lion : la Méditerranée devient une mer tropicale se trouve ici, le second, À Noirmoutier, la vie avant de couler se trouve là et le troisième, Sur la Côte d’Azur, le spectre des mégafeux plane toujours est ici.
Florence Ménez est anthropologue à l’Université de Brest. Elle coordonne le projet de recherche-action SaRiMed sur les impacts sanitaires et sociaux des sargasses en Martinique et à Marie-Galante.
Reporterre — Que sont les Sargasses ?
Florence Ménez — Ce sont des algues pélagiques, autrement dit qui vivent en pleine mer et n’ont pas de racines. Elles circulent à la surface de l’océan. On connaît depuis longtemps la mer des Sargasses, une zone de l’océan Atlantique où se concentrent ces algues.
Mais depuis 2011, elles ont commencé à proliférer entre l’Afrique de l’Ouest, les Caraïbes et le Brésil : c’est ce qu’on appelle la « Gasb », la Great Atlantic Sargassum Belt, la grande ceinture atlantique des sargasses, longue de quelque 8 000 km. Cette prolifération serait due, entre autres, au réchauffement de l’océan et à des apports importants en nutriments liés aux fertilisants.
Depuis, on a régulièrement des arrivages plus ou moins massifs d’algues sur les côtes des Antilles françaises. Environ 20 000 personnes seraient touchées à différents niveaux par les sargasses sur le littoral martiniquais.
Des sargasses échouées au bourg de Capesterre-de-Marie-Galante en juin 2022. © Florence Ménez
Les sargasses s’amoncellent sur les rivages, salissent les plages et dégagent des gaz toxiques. Qu’est-ce que c’est de vivre aujourd’hui sur les rivages atlantiques de la Martinique ?
C’est vivre au quotidien avec des émanations de gaz — de l’hydrogène sulfuré et de l’ammoniac — qui dégradent le matériel, détruisent, par la corrosion, les frigidaires, les climatiseurs, les téléviseurs, l’électroménager… Ces émanations sont issues de la putréfaction des algues, une fois échouées ; elles engendrent une odeur fétide quasi constante. Ça sent les égouts, les œufs pourris, pendant plusieurs mois.
© Gaëlle Sutton / Reporterre
Surtout, ces gaz neurotoxiques ont une incidence sur le quotidien et la santé des habitants. On a peu d’études sur les impacts sanitaires, notamment à long terme. Mais dès 2018, des internes en médecine ont montré une augmentation du nombre de…
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Auteur: Lorène Lavocat Reporterre