Les scientifiques doivent aborder différemment la recherche sur les cancers au stade précoce

Les études précliniques, celles que les scientifiques effectuent avant les tests sur les humains, ne reçoivent pas autant d’attention que les essais cliniques. Pourtant, elles constituent la première étape vers d’éventuels traitements et remèdes. Il est important que les résultats précliniques soient fiables. Lorsqu’ils sont erronés, les chercheurs gaspillent des ressources en suivant de fausses pistes. Pire encore, des résultats incorrects peuvent mener à des essais sur des humains.

En décembre dernier, le Center for Open Science (COS) a publié les résultats inquiétants d’une étude sur la reproductibilité, Reproducibility Project : Cancer Biology, qui a duré huit ans et coûté 1,5 million de dollars américains. En collaboration avec le marché de la recherche Science Exchange, des scientifiques indépendants ont découvert que les chances de reproduire les résultats de 50 expériences précliniques issues de 23 études publiées de premier plan ne dépassaient pas un tirage à pile ou face.

Des éloges et des controverses ont marqué le projet depuis le début. La revue Nature a applaudi les études de réplication en y voyant « ce qui se fait de mieux dans la pratique de la science ». Mais la revue Science a noté que les réactions de certains scientifiques dont les études avaient été choisies allaient de « l’agacement à l’anxiété en passant par l’indignation », ce qui a nui aux réplications. Aucune des expériences originales n’a été décrite avec suffisamment de détails pour permettre aux scientifiques de la reproduire, un tiers des auteurs ont refusé de coopérer, et certains ont fait preuve d’hostilité lorsqu’on leur a demandé leur collaboration.

Une personne portant un EPI utilisant une pipette multicanaux dans un laboratoire

Il est important que les résultats précliniques soient fiables. Lorsqu’ils sont erronés, les scientifiques gaspillent des ressources en poursuivant de fausses pistes.
(Shutterstock)

Brian Nosek, directeur général du COS, a avancé que ces résultats posent « des défis pour la crédibilité de la recherche préclinique en biologie du cancer ». Reconnaissant tacitement que la recherche biomédicale n’a pas été toujours parfaitement rigoureuse ou transparente, les Instituts nationaux de la santé (NIH) américains, plus grand bailleur de fonds de la recherche biomédicale au monde, ont annoncé qu’ils allaient relever les exigences relatives à ces deux aspects.

Depuis plus de 30 ans, je donne des cours et j’écris sur les bonnes pratiques scientifiques en psychologie et en biomédecine. J’ai évalué un nombre incalculable de demandes de subventions et de manuscrits pour des revues, et je dois dire que cela ne me surprend pas.

Une pile d’articles de journaux, avec des passages surlignés dans celui du haut, avec un stylo posé dessus

Des scientifiques indépendants ont constaté que les chances de reproduire les résultats de 50 expériences précliniques issues de 23 études publiées de premier plan ne dépassaient pas celles d’un tirage à pile ou face.
(Shutterstock)

Les incitations à faire avancer sa carrière au détriment de la crédibilité scientifique ébranlent les deux piliers d’une science fiable que sont la transparence et la rigueur impartiale. Il arrive trop souvent que les études précliniques proposées – et, étonnamment, les études publiées et évaluées par les pairs – ne suivent pas la méthode scientifique. Et, trop souvent, les scientifiques ne partagent pas leurs données financées par les fonds publics, même lorsque le journal qui les publie l’exige.

Contrôler les biais

De nombreuses expériences précliniques ne prévoient pas de contrôles rudimentaires contre les biais, que l’on enseigne dans les sciences sociales, mais rarement dans les disciplines biomédicales telles que la médecine, la biologie cellulaire, la biochimie et la physiologie. Le contrôle des biais est un élément clé de la méthode scientifique, car il permet aux scientifiques de distinguer les signaux expérimentaux des interférences procédurales.

Le biais de confirmation, c’est-à-dire la tendance à voir ce que l’on souhaite voir, est contrôlé habituellement par ce qu’on appelle la « mise en insu ». Pensez à la procédure à « double insu » des essais cliniques, dans laquelle ni le patient ni l’équipe de recherche ne savent qui reçoit le placebo et qui reçoit le…

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Auteur: Robert Nadon, Associate Professor, Department of Human Genetics, Faculty of Medicine, McGill University