Les secrets des racines et des sols, clefs de l’agroécologie

L’envolée des prix des engrais azotés (augmentation de 400 % en 18 mois) et le risque de pénurie projeté au printemps prochain au vu des difficultés d’approvisionnement en énergie pourraient accentuer les problèmes de sécurité alimentaire dans de nombreuses régions du monde. Dans ce contexte, les questions autour des interactions sol-racine connaissent un regain d’intérêt aujourd’hui.

Cachés, ces organes souterrains indispensables à la vie des plantes et de nombreux organismes du sol sont au cœur des recherches en agroécologie. L’objectif : miser sur la complémentarité des racines pour l’occupation de l’espace et l’acquisition de l’eau et des nutriments afin de mieux exploiter les ressources naturelles hétérogènes du sol, et réduire l’apport d’intrants (l’apport de matières exogènes à l’agrosystème comme les fertilisants de synthèse ou d’origine minière) et les émissions de gaz à effet de serre associées à leur utilisation tout en favorisant le stockage du carbone dans les sols.

Les sols par définition sont hétérogènes physiquement, chimiquement, biologiquement, horizontalement et verticalement. Cette hétérogénéité existe de l’échelle de l’infinitésimal à celle du paysage et plus encore, en passant par celle du pédon (unité tridimensionnelle à la surface de la terre considérée comme sol) ou de la parcelle.

À l’échelle microscopique, les sols sont hétérogènes de par la diversité de formes chimiques des éléments minéraux qu’on y rencontre mais aussi en raison de la variation de la taille des agrégats du sol (quelques dixièmes de millimètres à quelques millimètres) formés par l’association de minéraux, de bactéries ou d’hyphes de champignon et de matières organiques, et dont l’ensemble constitue le sol.

Les sols offrent une diversité d’habitats et de niches écologiques pour les organismes vivants. Cette diversité de niches écologiques chez les végétaux s’explique par la diversité de racines, leur capacité à modifier leurs caractéristiques vis-à-vis des changements des propriétés des sols et leur hétérogénéité (appelée plasticité phénotypique).

Cette large diversité de caractères fonctionnels racinaires (morphologique, architecturale, physiologique, interactions biotiques) apparaît plus importante qu’au niveau des parties aériennes (tiges et feuilles) au sein du règne végétal. Elle serait même le fruit de l’évolution des interactions sol-plantes, et de la réponse des végétaux à l’hétérogénéité des sols. La connaissance du rôle fonctionnel des racines et de leurs réponses vis-à-vis des propriétés du sol et de leur hétérogénéité s’est approfondie depuis une décennie.

Des racines pour une diversité de formes chimiques d’éléments minéraux

Les plantes possèdent une diversité de stratégies d’acquisition des nutriments souvent à la base de la différenciation de leur niche écologique en réponse à la variabilité chimique des sols (par exemple, la variation spatiale des concentrations en nutriments et de leurs formes chimiques).

Racines fines d’une graminée explorant le sol, un espèce de pâturin.
Julie Loiseau, Author provided (no reuse)

Cette variation des propriétés du sol constitue un facteur important dans la formation des communautés (assemblages d’espèces) végétales, animales et microbiennes du sol, particulièrement dans les contextes de sols présentant une faible fertilité (des carences en nutriments) où la compétition pour la lumière n’est pas le principal facteur responsable de la structuration des communautés.

Par exemple, une faible disponibilité en azote dans les sols constitue une condition favorable pour les légumineuses étant donné leur symbiose avec des bactéries fixatrices d’azote atmosphérique qui assure leur autonomie azotée. Inversement, les zones riches en azote sont occupées préférentiellement par des espèces ne bénéficiant pas de cette symbiose (les graminées, les espèces de la famille du chou…) et qui sont donc davantage dépendantes de l’azote disponible dans le sol. Ces plantes maximisant l’acquisition de l’azote présentent des stratégies communes à l’acquisition de l’eau puisque l’azote disponible est mobile et est transporté par les flux d’eau verticaux dans…

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Auteur: Michel-Pierre Faucon, Enseignant-chercheur en écologie végétale et agroécologie – Directeur à la recherche UniLaSalle Beauvais, UniLaSalle