Juliet Berto est Céline Cendrars, magicienne de profession, exerçant son art dans un cabaret miteux devant un public masculin qui ne vient « que pour son cul » [2], sous la coupe d’un impresario paternaliste qui la voit « pleine de pétulance et d’avenir » et lui promet « une tournée internationale ». Dominique Labourier est Julie, bibliothécaire de profession, sur le point de retrouver Grégoire, dit Guilou, son « fiancé d’enfance » – qui revient, tout fier d’être « devenu un homme » [3], avec l’objectif de lui « passer la robe blanche » [4]. Barbet Schroeder, Bulle Ogier et Marie-France Pisier sont Olivier, Camille et Sophie, les trois sinistres locataires d’une grande et vieille demeure. Lointainement inspirée d’un roman d’Henry James (L’autre maison) et souvent comparée aux contes de Lewis Carroll (Alice au pays des merveilles et Alice de l’autre côté du miroir), leur histoire est en fait une première version, optimiste, comique et psychédélique, de Mulholland Drive. Dans les deux cas, une femme brune déboule les genoux en sang dans l’appartement d’une autre, blonde ou rousse, y prend une douche, s’y installe, séduit l’hôte des lieux et part avec elle, en taxi, à la recherche d’un passé enfoui, avec comme seul point de départ des bribes de souvenirs dont celui d’une adresse : Mulholland Drive dans un cas, et dans l’autre le 7 bis de la rue du Nadir aux pommes.
Au-delà de bien d’autres points communs comme les scènes de magie, les déguisements, les échanges d’identité, la satire des producteurs de spectacle et des impresarios, les deux films ont surtout en commun de construire deux univers diamétralement opposés, l’un réel et l’autre onirique, fantasmatique ou en tout cas irréel, assimilé explicitement au cinéma [5] – à cette différence près que c’est le sommeil et le rêve qui projettent l’héroïne lynchienne dans…
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Auteur: Pierre Tevanian