Les spéculateurs font du blé sur les céréales des paysans

Paris, reportage

« Le prix du blé a doublé. Il faut le comprendre ! Pour les plus modestes, ça va être dramatique. » Le visage doux et rieur de Vincent Delmas, qui quelques minutes plus tôt chantait à pleine voix l’hymne de la Confédération paysanne, se crispe à la prononciation de ces mots. « Pendant ce temps, les profits fuient les fermes et s’en vont remplir les poches des traders cachés derrière ces tours de verre. » Maraîcher et éleveur de brebis, il est venu de Montélimar ce 5 mai, dans le quartier d’affaires de La Défense, à l’ouest de Paris, pour brandir la banderole qu’il tient d’une main ferme : « Spéculation, le début de la faim ».

Une quarantaine de paysans de la Confédération paysanne se sont rassemblés le 5 mai au pied de la tour hébergeant le siège national de Cargill, géant étasunien de l’agroalimentaire aux 120 milliards d’euros de chiffre d’affaires. « Le pouvoir sur le coût des céréales se trouve entre les mains des spéculateurs en costard qui travaillent dans ces bureaux, déplore Nicolas Girod, porte-parole du syndicat, parmi la petite nuée de drapeaux jaunes flottant au gré des bourrasques. L’État a délégué la sécurité alimentaire au secteur privé, qui n’est là que pour les bénéfices. »

Une quarantaine de militants de la Confédération paysanne était présente au rassemblement. © Emmanuel Clévenot/Reporterre

Dans les rayons des supermarchés, l’impact de cette spéculation sur les céréales est déjà palpable. D’après l’institut d’études spécialisé IRI, au mois d’avril, le coût des pâtes aurait augmenté de 15,31 % sur un an et celui de la farine de 10,93 %. À la même date, l’inflation de l’ensemble des produits alimentaires s’élevait à 3,1 %, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis la crise de 2008.

Une nuée d’autocollants est venue parsemer les baies vitrées de la tour. © Emmanuel Clévenot/Reporterre

« Ce sont nos paysans qui doivent nous nourrir, pas l’agrobusiness »

« Se servir de la guerre en Ukraine comme une aubaine pour faire grimper les prix est criminel, s’indigne Laurence Marandola, secrétaire générale de la Confédération paysanne. Des céréales, ce n’est pas ce qui manque. Il y en a des stocks pour les deux ans à venir. Si des famines ou des émeutes éclatent, notamment dans les pays du Maghreb, ce sera à cause des prix et non de la disponibilité. »

Laurence Marandola, secrétaire générale de la Confédération paysanne. © Emmanuel…

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Auteur: Emmanuel Clévenot (Reporterre) Reporterre