« Les statues, le nom des rues, ne sont pas innocents » : un guide pour décoloniser l'espace public

C’est une rue discrète, perchée sur une colline résidentielle cossue du sud de Marseille. Elle s’appelle impasse des Colonies. Au milieu de cette succession de maisons verdoyantes avec vue sur mer, une villa aux tuiles ocre porte un nom évocateur, L’oubli.

L’oubli, c’est justement ce contre quoi s’élèvent les onze auteurs et autrices du Guide du Marseille colonial, paru le 1er septembre dernier aux éditions Syllepse. Pendant deux ans, ces militants associatifs ont passé la ville au peigne fin, arpenté les rues et fouillé les archives. Ils ont cherché les traces du passé colonial de ce port qui fut, entre le XIXe et le XXe siècle, la capitale maritime de l’empire français.

Alain Castan et Nora Mekmouche, les deux coordinateurs de l’équipe de rédaction du Guide du Marseille colonial, présentent l’ouvrage à la librairie associative et militante Transit, à Marseille, dont ils sont respectivement fondateur et présidente.

©Clair Rivière

Le résultat : 232 pages d’inventaire des noms de rues, statues, monuments et autres bâtiments en lien avec la colonisation. « Notre volonté, c’est de mettre en lumière la face ténébreuse de l’histoire, qui est souvent cachée, en tout cas pas sue de tous, décrit Nora Mekmouche, qui a coordonné l’équipe de rédaction. Ce livre est un outil pédagogique et politique. »

Un monument en hommage à une répression coloniale

Un jour d’octobre, c’est en haut de la Canebière que deux autres des autrices et auteurs du guide, Zohra Boukenouche et Daniel Garnier, nous donnent rendez-vous pour une « promenade coloniale ». Première étape : le monument des Mobiles. Érigé à l’origine pour rendre hommage à des soldats de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, le site sert parfois de lieu de commémoration officielle des deux guerres mondiales.

Sur le monument des Mobiles, en haut de la Canebière, à Marseille, une inscription rend hommage à un régiment parti en Algérie réprimer l'"insurrection de la province de Constantine" en 1871. Une révolte anticoloniale matée dans le sang.

Sur le monument des Mobiles, en haut de la Canebière, une inscription rend hommage à un régiment parti en Algérie réprimer l’« insurrection arabe de la province de Constantine » en 1871 et 1872. Une révolte anticoloniale matée dans le sang.

©Clair Rivière

À plusieurs reprises ces dernières années, préfet et maire ont déposé des gerbes de fleurs à ses pieds. Sur l’une de ses faces, le monument rend pourtant aussi hommage à un régiment ayant participé à la répression de l’« insurrection arabe de la province de Constantine » en 1871 et 1872. Une révolte matée dans le sang, avec confiscations massives de terres et déportations vers…

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Auteur: Clair Rivière