Les technologies à émissions négatives deviennent incontournables face au réchauffement climatique

La réduction des émissions (nettes) de CO2 a été l’outil le plus plébiscité par les décideurs politiques pour lutter contre le changement climatique, et limiter les émissions d’équivalents CO2 dans l’atmosphère demeure un axe prioritaire. Pourtant, toutes les études scientifiques dignes de ce nom avec, en tête, le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) reconnaissent que pour avoir des chances de contenir la hausse des températures d’ici à la fin du siècle dans une fourchette de 1,5 à 2 °C, il est impératif de prélever dans l’atmosphère des quantités non négligeables de CO2.

Cependant, les technologies dites « à émissions négatives », pourtant des éléments incontournables de cette équation, ne sont que rarement évoquées, et encore moins financées. À l’heure actuelle, seules l’afforestation (plantation d’arbres sur des zones déboisées) et la bioénergie avec captage et stockage de dioxyde de carbone (BECSS) ont fait leurs preuves. Dans ces dernières installations (cinq dans le monde en 2019), le CO2 issu de la combustion est capté et enfoui en sous-sol profond, où il se solidifie au contact de l’eau en quelques mois.

Il existe en outre des alternatives. Depuis les années 1920, des technologies de capture du CO2 sont utilisées, par exemple dans les conduits de centrales électriques. Désormais, on peut utiliser ces technologies existantes et éprouvées de manière nouvelle et innovante. En conséquence, aucune percée technologique d’envergure n’est nécessaire ; les dynamiques physiques, à vrai dire surtout chimiques, de l’élimination directe du carbone dans l’air sont bien maîtrisées, bien que l’opération soit plus complexe.

Une stratégie qui change la donne

Un soutien massif au développement de ces technologies à émissions négatives doit aujourd’hui constituer une priorité dans les politiques climatiques. En effet, comme nous le démontrons dans les dernières recherches menées par l’EDHEC Risk Climate Impact Institute, l’élimination du carbone, bien loin d’être un simple recours de contingence, constitue désormais un outil incontournable dans l’action contre le réchauffement climatique.

Avec des investissements considérables canalisés vers les technologies à émissions négatives, le profil de température optimal visé sur la période courant d’aujourd’hui jusqu’à la fin du siècle demeure dans la fourchette de 1,5 à 2 °C. En d’autres termes, cet objectif représente un niveau optimal et non simplement idéal.

Non moins importante, le graphique ci-dessous montre que grâce à des émissions négatives significatives, la température optimale après la fin du siècle devrait retomber (à peu près aux niveaux actuels), et non se stabiliser autour des 2 °C comme suggéré par les protocoles d’action centrés sur la diminution des émissions.

Le profil de température optimal escompté obtenu avec (ligne bleue) et sans (ligne rouge) émissions négatives. En adoptant des politiques d’émissions négatives, les responsables politiques peuvent laisser les températures grimper un peu plus qu’en leur absence, conscients que des prélèvements importants de CO₂ seront possibles dans un avenir proche.
Fourni par l’auteur

Ces analyses nous apprennent donc que, si nous nous fixons un cap ambitieux de réduction de CO2, cet objectif sera plus susceptible d’être atteint et exigera moins de sacrifices. En effet, au vu de la lenteur avec laquelle les dispositifs naturels absorbent le CO2, réduire à zéro les émissions ne saurait suffire.

Repenser les subventions

Cette observation est importante, car les outils technologiques permettant de décarboner les secteurs les plus dépendants (comme les industries du ciment et de l’acier, ou encore l’aviation) n’en sont qu’à leur balbutiement.

On reproche souvent aux technologies à émissions négatives d’être onéreuses. Cependant, tirer argument du prix de ces technologies à un moment donné ne saurait être une critique fondée. Au début des années 1980, le professeur qui m’enseignait la physique des solides m’a appris que l’énergie nécessaire à la production d’un panneau solaire dépassait la quantité d’énergie produite par ce dernier durant tout son cycle de vie.

Or,…

La suite est à lire sur: theconversation.com
Auteur: Riccardo Rebonato, Professor of finance and scientific director (EDHEC Risk Climate Impact Institute), EDHEC Business School