Aubervilliers (Saine-Saint-Denis), reportage
Derrière la porte en bois de la parcelle numéro 6, la terre offre de l’origan de Syrie, du concombre arménien, des roses de Damas et du jasmin… Depuis quelques mois, elle donne aussi à Lila, son occupante de 57 ans, un mélange d’amertume et de colère. Voilà trois ans qu’elle cultive ici le souvenir nostalgique de sa jeunesse, en Syrie, lorsqu’elle aidait ses parents aujourd’hui disparus à entretenir 4 hectares de culture. Son jardin, lové sous les silhouettes imposantes des tours du quartier des Courtilières, à Pantin (Seine-Saint-Denis), ne fait qu’environ 250 m2, mais il est « [s]on troisième poumon ».
Las, Lila a appris à la fin de l’année dernière que son minuscule coin de paradis était désigné dans le plan local d’urbanisme (PLU) pour accueillir « un pôle multimodal » — comprendre une ligne de bus, un dépose-minute et une piste cyclable. « Les habitants d’Aubervilliers n’ont pas le droit d’avoir un endroit de verdure pour respirer », peste-t-elle, sous le regard doux de son mari et de son fils, qui coulent une après-midi tranquille à l’ombre d’un petit cabanon installé sur la parcelle.
C’est la deuxième fois que les jardins d’Aubervilliers, trésor de 7 hectares abritant des dizaines de potagers, sont menacés par les tractopelles. En 2021, ils furent l’un des hauts lieux de la lutte contre la bétonisation en marge de l’organisation des Jeux olympiques. Une Jad, pour « jardin à défendre », s’y était enracinée. Elle fut occupée jour et nuit entre mai et septembre 2021, jusqu’à l’expulsion par la police et le ballet des engins de chantier, ratissant 4 000 m2 de terrain et dix-neuf parcelles. Le lieu avait été désigné pour accueillir le solarium d’une piscine olympique.
Les juges de la Cour administrative d’appel avaient annulé le plan d’urbanisme en raison de son « atteinte à la biodiversité »,…
La suite est à lire sur: reporterre.net
Auteur: Erwan Manac’h