Les ZFE, une bombe sociale dans les quartiers populaires

Seine-Saint-Denis, reportage

Chloé saute dans sa vieille voiture, garée près de l’église des Pavillons-sous-Bois. Elle tourne la clé et la Peugeot 206, qui carbure au diesel, vrombit. « Ce vieux bolide me rend de fiers services », dit cette infirmière en addictologie. Dans une demi-heure, elle commencera sa journée de travail à l’hôpital Fernand Widal, à Paris. Avant d’appuyer sur l’embrayage, elle désigne une vignette collée sur son pare-brise. « Crit’Air 5 ». Chloé est embarrassée : son véhicule est hors-la-loi dans la zone à faibles émissions (ZFE) du Grand Paris. « Je roule tant que je ne me fais pas arrêter, confie-t-elle. J’élève seule ma fille et je n’ai pas de quoi voir venir. Avant de changer de voiture, il faut d’abord remplir le frigo, payer le loyer, les factures et, avec ce qu’il reste, partir en vacances. »

La mise en place des ZFE est un sujet explosif. Dans les agglomérations françaises, des millions de personnes vont devoir se débarrasser de leur véhicule. Objectif du gouvernement : diminuer la pollution de l’air. Le dispositif ne porte pas sur les émissions de gaz à effet de serre — voilà pourquoi des SUV, très lourds, qui émettent beaucoup de gaz à effet de serre mais peu de particules fines, peuvent être classés Crit’Air 1. En Île-de-France, qui abrite la plus grande ZFE de France, le calendrier de mise en place est serré — et pourrait donc être modifié. À l’heure actuelle, la métropole du Grand Paris interdit déjà la circulation aux véhicules Crit’Air 5, 4 et non classés, du lundi au vendredi de 8 heures à 20 heures. Au 1er juillet 2023 — dans moins de cinq mois — seuls les Crit’Air 1 et 2 seront autorisés. Le 1er janvier 2024, il ne restera plus que les Crit’Air 1 (gaz et hybrides rechargeables), les véhicules électriques et hydrogène.

Plus d’1/3 des ménages les plus pauvres ont un véhicule classé Crit’Air 4 ou 5

Les personnes les plus précaires sont touchées de plein fouet par ce dispositif. Dans le département le plus pauvre de France métropolitaine, la Seine-Saint-Denis, les chiffres sont vertigineux : 3 voitures sur 4 devront rester au garage. Dans certaines communes, comme La Courneuve, la mesure concerne 80 % des véhicules. Tout sauf un hasard pour Daphné Chamard-Teirlinck, du Secours catholique : « Les ménages précaires motorisés sont plus fréquemment détenteurs de véhicules anciens », dit-elle à Reporterre. Selon la dernière enquête Mobilité des personnes de l’Insee, 38 % des ménages les plus pauvres possédaient un véhicule classé Crit’Air 4 ou 5, contre 10 % parmi les plus riches.

© Clarisse Albertini / Reporterre

Peu d’automobilistes de Seine-Saint-Denis…

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Auteur: Alexandre-Reza Kokabi Reporterre