L’essor de l’élevage intensif augmente-t-il le risque pandémique humain ?

La pandémie mondiale de Covid-19 a remis en lumière un débat plus ancien sur le rôle des transformations opérées par notre espèce sur son environnement naturel dans les émergences de maladies infectieuses. L’impact de l’élevage dit intensif est, en particulier, l’objet d’une vive controverse. Celle-ci rejoint une remise en cause plus large de ce mode d’élevage, en raison de son atteinte au bien-être animal et de la pollution environnementale qu’il génère.

Cependant, peu d’arguments scientifiques sont disponibles pour étayer l’hypothèse d’une contribution de l’intensification de l’élevage aux émergences de pandémies.

Maladies émergentes et zoonoses

Il convient d’abord de clarifier ce que nous appelons « maladie émergente » et « élevage intensif ». S’il est communément admis que plus de 60 % des maladies dans ce cas de figure depuis le milieu du XXe siècle sont d’origine animale, la grande majorité des pathogènes concernés ont pour réservoir naturel une population animale, c’est-à-dire qu’ils se transmettent principalement chez les animaux et engendrent sporadiquement des foyers d’infection chez les humains qui ne donnent pas lieu à une circulation durable dans la population humaine.

Ces maladies sont qualifiées de « zoonoses », terme qui englobe, à la base, toutes les maladies transmises de l’animal à l’Homme. L’influenza aviaire hautement pathogène est probablement l’exemple le plus médiatisé. Cette zoonose émergente s’est établie durablement dans des populations d’animaux d’élevage, en l’occurrence les volailles de plusieurs pays d’Asie et d’Afrique, et menace maintenant l’Europe et l’Amérique du Nord. Ces virus grippaux causent des maladies sévères, mais ne se transmettent pas de façon pérenne chez nous.

Vue d’un élevage de canards avec une densité élevée de volailles

Les élevages de volailles d’Asie (ici de canards, au Viet Nam) sont désormais durablement touchés par les épidémies d’influenza aviaire, zoonose émergente particulièrement pathogène pour ces animaux.
Nguyen Van Bo-Alexis Delabouglise, Author provided

A contrario, l’émergence d’une maladie humaine implique un véritable saut d’espèce : le pathogène doit s’adapter à ce nouvel hôte de telle sorte que sa circulation soit assurée en dehors de son réservoir animal initial. C’est le cas des coronavirus SARS-CoV-1 et SARS-CoV-2, respectivement à l’origine de la pandémie de syndrome respiratoire aigu sévère (SARS), et du Covid-19, qui ont émergé respectivement en 2002 et 2019 vraisemblablement à partir d’un réservoir animal sauvage. C’est également le cas du virus de l’immunodéficience humaine (HIV), initialement une zoonose transmise par les grands singes.

Si plusieurs maladies humaines anciennes résultent bien de sauts d’espèce à partir d’un réservoir animal domestique – c’est le cas de la rougeole et de la coqueluche notamment –, ce phénomène reste rarissime si on le replace à l’échelle de la domestication animale, qui s’étale sur des dizaines de milliers d’années.

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La difficulté de caractériser l’élevage intensif

La notion d’intensification de l’élevage n’est pas moins complexe. Si aucune définition officielle de l’élevage intensif n’existe, il est communément admis qu’elle renvoie à un ensemble d’évolutions des pratiques d’élevage ayant eu lieu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’abord dans les pays industrialisés ensuite dans les pays émergents et à faible revenu, visant à diminuer le coût de production des denrées d’origine animale.

Plus spécifiquement, l’intensification a réduit le besoin en surface agricole et en main-d’œuvre nécessaire pour produire une quantité donnée de produits animaux. Ce gain de productivité a été obtenu de plusieurs façons, notamment grâce à l’amélioration génétique et la mécanisation.

L’intensification s’accompagne généralement d’une augmentation du nombre d’animaux par exploitation, d’une spécialisation des élevages dans une étape donnée de la production (sélection génétique, reproduction, engraissement), et de leur intégration croissante à des circuits commerciaux…

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Auteur: Alexis Delabouglise, Researcher, socio-economist of animal health, Cirad