L'étincelle du 18 mars (les leçons de la Commune, I) — Bruno GUIGUE

Le meilleur hommage qu’on puisse rendre aux Communards, c’est de considérer leur histoire avec lucidité. C’est de rendre justice à ces hommes et à ces femmes immolés par le capital, sans tomber dans l’apologie béate que facilite l’omission des faiblesses et des contradictions. C’est de relire l’histoire de la Commune sans parti pris hagiographique, en la resituant dans le champ d’une lutte des classes qui continue aujourd’hui. Comme l’écrit Lissagaray, le meilleur historien de la Commune : ce serait « un ennemi » celui qui « flatterait, bâtirait de fausses légendes soi-disant révolutionnaires », il serait « aussi criminel que le cartographe qui, pour les combattants de demain, ferait des graphiques menteurs ».

Certains trouvent qu’on en parle un peu trop, comme François Furet, grand-prêtre de l’idéologie dominante appliquée aux études historiques, pour qui « aucun événement de notre histoire moderne n’a été l’objet d’un pareil surinvestissement d’intérêt, par rapport à sa brièveté ». Mais selon quel critère juger l’investissement dont fait l’objet un événement historique ? Il y a fort à parier que Furet avait le sien, et qu’il était différent du nôtre. Difficile, aussi, de parler de la Commune sans prendre le risque de l’anachronisme . Même ses contemporains ont senti l’énigme qui se cachait derrière les repères accoutumés. « Qu’est-ce donc que la Commune, ce sphinx qui tarabuste si fort l’entendement bourgeois ? », demandait Marx, partisan enthousiaste de l’insurrection parisienne. Révolte patriotique, assurément. C’est même ce qui, avec la laïcité, faisait clairement consensus chez les Communards. Révolution sociale esquissée, ou rêvée ? Aussi, bien sûr, et non sans contradictions.

Tragédie humaine, à la fois terrible et grandiose, la Commune de 1871 s’inscrit dans la longue série des épisodes révolutionnaires qui scandent l’histoire du peuple français. Mais son martyre fait aussi partie du patrimoine historique de l’émancipation humaine. « Le Paris ouvrier, avec sa Commune, écrit Marx, sera célébré à jamais comme le glorieux fourrier d’une société nouvelle » ; et « le souvenir des martyrs de la Commune est conservé pieusement dans le grand cœur de la classe ouvrière ». Aussi n’appelle-t-elle pas seulement un geste commémoratif : elle nous invite surtout à méditer son expérience, à tirer les leçons politiques de son échec.

Étrange déclenchement, en tout cas, que celui de cette…

La suite est à lire sur: www.legrandsoir.info
Auteur: Bruno GUIGUE Le grand soir