Lettre à Jérôme, mon frère, paysan tué par un gendarme

L’éleveur Jérôme Laronze a été tué par un gendarme en mai 2017, à Sailly, en Saône-et-Loire. Trois balles l’ont atteint, une de côté et deux de dos, alors qu’il s’échappait au volant de sa voiture. Il fuyait les représentants d’une administration au service, selon lui, de l’industrialisation de l’agriculture. Depuis sa mort, sa famille s’est engagée dans un combat judiciaire. Cette tribune a été rédigée par sa sœur, Marie-Pierre Laronze, qui dénonce une « procédure administrative de contrôle irrégulière » — selon les mots du tribunal administratif de Dijon — démontrant les violences morales exercées à l’encontre de son frère.


Ce 13 novembre 2020, nous devions fêter tes 40 ans, une quasi-moitié de parcours de vie. Pas pour tous, pas pour toi. La tienne a pris fin brutalement, violemment, un 20 mai 2017.

Te souviens-tu ? C’était à la fin d’une belle journée de printemps, à la croisée de deux chemins de terre, à l’ombre de vieux chênes sous l’abri desquels tu étais venu chercher un peu de répit et de fraicheur. Six tirs de Sig-Sauer [des pistolets automatiques] t’ont quasiment arraché à ton sommeil, six tirs si rapides que ta vieille Toyota n’a pu te tirer d’affaire et s’est écrasée contre un arbre. C’est là que ton regard lentement s’est éteint, que ton souffle s’est tari à mesure que ton sang noircissait sièges et tapis de la voiture.

Vingt-cinq minutes qu’ils t’ont laissé, seul, agonisant, à fixer, entre deux spasmes, les vertes prairies environnantes. Vingt-cinq minutes pendant lesquelles les porteurs des Sig-Sauer ont failli à tous leurs devoirs et perdu leur humanité. Vingt-cinq minutes à réfléchir à comment expliquer à leurs chefsles tirs de côté et de l’arrière du véhicule pour protéger leur carrière plutôt que la vie d’un homme.

Neuf jours qu’ils avaient déjà passé à te chercher, à espionner ta ferme, tes appels, tes relevés de…

Auteur: Reporterre
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