L'Europe, triste solitude [3/3]

Les choses se combinent puis se séparent…

Les gens du pouvoir rêvent de choses éternelles, immuables, infrangibles, cristallisées, lisses. On le comprend bien. C’est bien là que prend naissance leur appétit pour des formes de gouvernement fondées sur des exécutifs forts, centralisés, stables, fuyant tout débat, monopolisant l’information, capables de bâillonner toutes dissensions, d’esquiver tous contrôles et disposant de moyens répressifs pléthoriques pour mater la tourbe lorsqu’elle s’avise de les contester. Plutôt que la lutte des contraires dont Héraclite disait l’utilité, car « c’est de ce qui est en lutte que naît la plus belle harmonie », ils trouvent la manière forte, y compris le despotisme, bien plus efficace et avantageuse, moins fatigante, peut-être plus sûre, en somme plus à leur goût.

Pour cacher ces louches penchants sous le manteau de la légitimité, ils n’ont pas eu à forcer l’imagination. Depuis Parménide, en passant par Platon et jusqu’aux juristes de nos jours, bien des esprits ont soutenu que ce qui a été, a toujours été et sera toujours, sans commencement ni fin.  Empédocle renchérissait : « on n’a jamais ouï dire que ce qui est doive périr ; ce qui est, sera toujours ».

D’ailleurs, depuis les Babyloniens jusqu’à Newton, les astronomes ne nous invitaient-ils pas à regarder le ciel ? Les astres immortels, soumis à l’immuable mécanique céleste, ne sont-ils pas le spectacle même de la pérennité, de l’infini inaltérable, de la perpétuité inusable ? Même l’infiniment petit, l’atome, l’élément constitutif de la matière, ne nous apporte-t-il pas, depuis Démocrite, une preuve additionnelle de l’éternité inébranlable des choses ? Oserait-on contester la science ? Les candidats à la maîtrise de l’univers y trouvèrent un argument imparable pour justifier leurs projets d’un empire éternel, un Tausendjähriges Reich. C’est le mirage d’un État total, universel, figé pour toujours dans un ordre immobile, le tout-puissant souverain posant un regard d’aigle sur tous ses sujets, chacun à sa place, le tout baignant dans un froid sidéral, hors du temps et de l’histoire.

Dans le cas d’espèce, le Dritte Reich, censé durer mille ans, ne devait durer qu’une petite douzaine d’années, de 1933 à 1945. C’est tout de même un brin plus long que les 11 ans de l’empire napoléonien, son précurseur. C’est que, n’en déplaise, rien n’est éternel.

Xénophane a été le premier à déclarer que tout ce qui…

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Auteur: lundimatin