L’évaluation du langage chez les patients en « état végétatif » : la clé face aux erreurs de diagnostic ?

« Paul » a eu une attaque cardiaque et son cerveau a, trop longtemps, manqué d’oxygène. Après plusieurs réanimations et une semaine de coma, il a enfin rouvert les yeux… mais n’a pas toujours l’air présent. Les médecins disent qu’il est encore inconscient, en « état d’éveil non répondant » (état végétatif) – il garde les yeux ouverts, mais ne bouge pas le bras ni ne serre la main quand on le lui demande. Cette séquence éprouvante, nombre de familles l’a vécue. Avec toujours une même lancinante question : le patient va-t-il redevenir conscient ?

Ces dernières décennies, la médecine en réanimation est devenue particulièrement efficace, au point de permettre à beaucoup de personnes ayant subi une grave lésion au cerveau de « revenir à la vie ». Pourtant, certaines ne recouvreront jamais leur état de conscience initial : elles demeureront dans un état dit altéré, caractérisé par une dégradation de leur connexion vis-à-vis de leur environnement, mais aussi par rapport à eux-mêmes (leurs perceptions, émotions…). Car de l’état « inerte » à l’éveil complet, il existe un large éventail d’états de conscience différents, souvent mal connus du grand public mais que les neurosciences travaillent à mieux définir.

Ainsi, après un épisode de coma proprement dit (où les yeux restent fermés) durant entre une heure et quatre semaines, suivent normalement plusieurs étapes de récupération et états de conscience intermédiaires jusqu’à « l’émergence »… mais qui peuvent perdurer et devenir chroniques :

  • État d’éveil non répondant (auparavant appelé état végétatif et renommé en 2010 pour mieux en décrire les symptômes) : le patient ouvre les yeux mais ne présente aucun signe de conscience ;

  • État de conscience minimale « moins » : réapparition de signes de conscience tels que des comportements orientés, une poursuite/fixation visuelle, ou une localisation de stimulations douloureuses ;

  • État de conscience minimale « plus » : réapparition de signes de conscience langagiers (réponse à la commande verbale, verbalisation de mots, tentatives de communication) ;

  • Émergence : dès que le patient est capable de communiquer à l’aide d’un code oui/non ou d’utiliser adéquatement des objets de la vie quotidienne, il est considéré comme émergent de l’état de conscience minimale.

Chaque état se distingue par des capacités différentes : ouverture des yeux, réponses aux questions, etc

Diagnostic de l’état de conscience suite à une atteinte cérébrale : coma, état d’éveil non répondant (état végétatif), état de conscience minimale moins, état de conscience minimale plus et émergence.
Wislowska et al. (2017). Night and day variations of sleep in patients with disorders of consciousness, Author provided

Il est par ailleurs crucial de pouvoir distinguer ces états de conscience altérée d’un syndrome d’enfermement ou « locked-in ». Ce syndrome découle également d’une grave lésion au cerveau, mais localisée au niveau du tronc cérébral. Il en résulte une paralysie des membres, de la tête et du visage, alors que conscience et cognition peuvent être préservées. Communiquer passe alors le plus souvent par les mouvements des yeux.

Comment évaluer les états de conscience altérée ?

Ces états de conscience altérée restent difficiles à diagnostiquer, notamment parce qu’il n’existe pas encore de lien tout à fait reconnu entre les processus survenant dans les circuits neuronaux et l’état de conscience. L’imagerie cérébrale ne permet donc pas (encore) de réaliser un diagnostic optimal d’éveil non répondant ou d’état de conscience minimale.

La méthode qui reste la plus reconnue actuellement est l’évaluation au chevet des patients grâce à une échelle standardisée et validée.

L’échelle Glasgow Coma Scale est la plus connue et la plus étudiée pour sa valeur pronostique. Toutefois, elle ne permet pas le diagnostic d’état de conscience car elle n’évalue pas les signes les plus fréquents de l’état de conscience minimale (notamment la fixation/poursuite visuelle).

C’est par contre le cas de l’Échelle de récupération du coma ou de l’Échelle simplifiée des troubles de la conscience (Simplified evaluation of consciousness disorders), qui permettent d’identifier des signes de conscience auditifs, visuels, moteurs et langagiers. Sans…

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Auteur: Charlène Aubinet, Chargée de recherches FNRS, neuropsychologue et logopède, Université de Liège