L'évasion d'un guérillero

La traduction de L’évasion d’un guérillero – Écrire la violence du très grand reporter John Gibler vient de paraître aux éditions Ici-bas. Nous en publions ici la préface magistrale rédigée par Joseph Andras qui vient rappeler pourquoi nous autres journalistes, sommes sujets à une telle détestation collective.

La chose est entendue : mieux vaut être agent immobilier, trader, tueur en série ou policier, tout, en somme, plutôt que journaliste. Nul n’ignore les ressorts de cette détestation collective : endogamie sociale du milieu, collusion avec le pouvoir politique, suivisme des rédactions citadines, sensationnalisme des perspectives éditoriales, soumission systémique aux forces de l’argent, gouvernement de l’actu et du fait divers. On traque le scoop, on abaisse le nombre de mots et «  on vend du papier comme on vend des poireaux  » (cela, c’est un enseignant d’un incontournable établissement français de journalisme qui l’avoua un jour). Ne cédons toutefois pas à la confortable déploration de notre temps ; l’affaire n’est pas nouvelle : Camus pourfendait déjà, la Seconde Guerre finissant, ce qu’il tenait pour les «  vices  » essentiels de la presse : «  l’appétit de l’argent et l’indifférence à la grandeur  ». Les années 2000 n’auront simplement rien arrangé à l’affaire en question : temps contracté des réseaux sociaux ; libre cours alloué au bruit (buzz) et à la baston (clash) ; imparable empire de la formule (la majorité des articles partagés ne sont pas lus par ceux-là mêmes qui les relaient : le titre aura suffi) ; sacre de l’information en continu. Élaboré de l’intérieur de la corporation, un livre est allé jusqu’à faire état de la «  barbarie journalistique  » à l’œuvre .

Le procès a été fait cent fois ; n’y revenons pas.

On pourrait se mettre en quête des voix par trop éparses, des talents voués à l’ombre, des vertueux inconnus ; on pourrait, mais cela a tout l’air d’une rue sans issue : la probité des uns n’élucide pas l’ordinaire des autres. Tentons plutôt, dans les pas de Ryszard…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin