L’extrême droite en Espagne. Du franquisme à la transition démocratique

Jusque dans les années 2010, l’Espagne apparaissait comme une exception en Europe, avec une extrême droite quasiment absente du paysage politique. Une décennie plus tard, les succès électoraux de Vox – formation politique d’extrême droite se revendiquant du franquisme – contredisent cette affirmation. Pire, après la fin de la dictature franquiste il y a 45 ans, le pays peut à  nouveau basculer –  après la Suède et l’Italie – dans un gouvernement de coalition de droite et d’extrême droite, aux  prochaines élections législatives prévues à la fin de l’année 2023.

Pour comprendre les phénomènes qui ont permis à l’extrême droite espagnole de ressurgir sur le devant de la scène politique, il faut d’abord questionner les raisons de sa disparition et de ses déroutes électorales à la fin du franquisme et pendant la transition. C’est l’objet de cet article ; comprendre ce qui s’est joué à la fin du franquisme et pendant le processus de changement politique, pour mieux appréhender les mutations de l’extrême droite dans l’Espagne d’aujourd’hui.

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L’émergence de l’extrême droite comme rempart à la crise du franquisme

La victoire des troupes franquistes le 1er avril 1939 face aux républicains après trois ans de guerre civile se traduit par la mise en place d’un régime militaire, national-catholique et d’inspiration fasciste, qui durera jusqu’en juin 1977, date des premières élections législatives depuis février 1936. De façon schématique, le franquisme se divise en deux séquences, avec 1959 comme date charnière qui correspond au tournant « libéral » du régime. Le premier franquisme se caractérise par la répression et l’homogénéité de l’État. La  chasse aux opposants politiques (avec l’ouverture de camps de concentration) ainsi que l’exil de centaines de milliers de républicains, s’accompagne de l’interdiction des partis et des syndicats. Dans le même temps, ce premier franquisme s’appuie sur les élites traditionnelles et sur les diverses composantes de l’extrême droite pour gouverner. Carlistes, catholiques traditionalistes, phalangistes, monarchistes et militaires, composent l’armature idéologique des nouvelles institutions placées sous le contrôle du dictateur. Pilier du régime, la Mouvement National, parti unique du franquisme, est né de la fusion de la phalange espagnole (FE de la JONS) avec la Communion traditionaliste[1]. Jusqu’en 1957, l’Etat franquiste se caractérise donc par un équilibre idéologique entre toutes…

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Auteur: redaction