L'histoire d'un peuple est écrite dans ses prisons

A la fin des années 1960, les prisons de toute l’Italie font face à une nouveauté déstabilisante très semblable à celle que connaissent ses usines : les unes et les autres voient arriver une nouvelle population, souvent originaire du sud de la péninsule, souvent jeune, et aussi rebelle aux modalités de détention qu’à celles du travail salarié. Le livre d’Elisa Santanella et Guillaume Guidon raconte la grande rupture des années 70 italiennes à travers le miroir de la prison, terrain de luttes à la fois spécifique et emblématique. Leur ouvrage décrit, avec une précieuse richesse documentaire, l’évolution de la question des prisons, des premières révoltes spontanées à l’organisation quasi-militaire d’émeutes dirigées par les Brigades rouges, des cahiers de revendications portés par des détenus peu politisés à la prise en charge de leur combat par les organisations de lutte armée dans une perspective d’affrontement généralisé avec l’Etat.

Dans un moment où Alfredo Cospito entame son 163e jour de grève de la faim au milieu de l’indifférence massive de la société transalpine, où Cesare Battisti subit les persécutions des matons avec l’approbation enthousiaste du monde politico-médiatique, et où les prisons italiennes connaissent un taux de surpopulation officiel de 107% et une hausse de suicides sans précédents, ce travail appuyé sur la rigueur historienne et le savoir juridique permet de comprendre comment, il y a un demi-siècle, une fraction significative de la population italienne est montée à l’assaut du ciel, y compris en passant le toit des prisons. Indispensable œuvre de remémoration pour toutes celles et tous ceux qui rêvent de repartir à l’assaut, si possible en retenant les leçons des erreurs passées.

Quand, à la fin des années 60, la « grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle » commence à enfler dans toute la société, elle vient battre contre les murs d’une institution carcérale encore très massivement organisée suivant le programme fasciste. Alors qu’en France le passage par la case prison pour faits de Résistances de nombreux dirigeants politiques, a été à l’origine d’une réforme du système pénitentiaire, on ne voit rien de tel dans la classe dirigeante italienne, dont des membres éminents tels que Sandro Pertini, futur président de la République, avaient pourtant connu les geôles pour leur antifascisme. Tandis que Palmiro Togliatti, le ministre communiste de la justice fait libérer par une loi…

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Auteur: dev