Libération animale et lutte des classes, une histoire commune

Suffit-il de manger des steaks de soja, de ne plus porter de fourrure et de sauver les chats errants pour libérer nos frères et sœurs les bêtes de l’oppression humaine ? À l’heure où se multiplient les initiatives individuelles en matière de protection des animaux, les chercheurs Roméo Bondon et Elias Boisjean rappellent l’impasse vers laquelle pourraient mener, seuls, tous ces petits pas : « Pour parler sérieusement d’écologie, il convient de l’arracher des mains des libéraux : la cause animale n’échappera pas à pareil geste. » Ils introduisent tous deux l’anthologie Cause animale, luttes sociales parue chez Le Passager clandestin (2021). Rassemblant douze autrices et auteurs — pour l’essentiel libertaires ou socialistes, ayant pris fait et cause pour les animaux au tournant des XIXe et XXe siècles — l’ouvrage remet en lumière l’articulation que ces militants faisaient alors entre émancipation animale et critique du capitalisme. À leurs yeux, la libération de tous les êtres humains ne pouvait se faire sans celle des animaux.

Les abattoirs modernes, notamment ceux de Chicago, furent l’archétype de l’industrialisation capitaliste de l’oppression des animaux. Wikipedia/CC/John Vachon

Dès le milieu du XIXe siècle, on vit poindre en Europe les germes de ce qu’on appellera plus tard « l’antispécisme ». Ce mouvement radical naquit en réaction à deux tendances de l’époque. D’une part, l’industrialisation capitaliste de l’oppression des animaux. Les abattoirs modernes, notamment ceux de Chicago, aux États-Unis, en furent l’archétype. L’écrivain russe Léon Tolstoï a consacré de longues et horribles pages à ces « Porcopolis ». D’autre part, la fondation des premières sociétés de protection des animaux, comme la SPA française. Les trouvant trop bourgeoises, sinon aristocratiques, et paternalistes envers les animaux, ces premiers militants antispécistes cherchèrent à dépasser cette posture en articulant émancipation animale et lutte des classes. C’est pourquoi, pour un temps, anarchisme et antispécisme marchèrent ensemble.

Parmi ces militantes et militants se trouvait Louise Michel. Son engagement politique, comme elle le rapporta dans ses Mémoires (La Découverte, 2002), remontait à l’enfance, lorsqu’elle vit dans la cour de la ferme « une oie décapitée qui marchait le cou sanglant et levé, raide, avec la plaie rouge où la tête manquait ; [la vue de cette] oie blanche, avec des gouttes de sang sur les plumes, marchant comme ivre tandis…

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Auteur: Maxime Lerolle Reporterre